mardi 26 mai 2020

QH 79. A propos de la chanson Dans les prisons de Nantes

Quelques remarques sur une chanson populaire


Classement :




La chanson Dans les prisons de Nantes est assez connue ; elle fait notamment partie du répertoire des Tri Yann.

Aspect historique
Cette chanson date certainement du XVIIème siècle et serait en relation avec l’emprisonnement de Nicolas Fouquet au château de Nantes, après son arrestation le 5 septembre. Mais Fouquet a été transféré à Angers le 7 septembre et ne s’est pas évadé.
On peut remarquer qu’il est dit que le prisonnier « dans la Loire s’est jeté » ; effectivement, à l’époque, un bras de la Loire passait aux pieds du château.

Philologie
Le texte a la structure suivante : chaque couplet est constitué par deux vers redoublés (A et C) et un vers sans signification (B) intercalé entre le premier vers et son redoublement. Il n’y a pas de refrain à proprement parler.

A : Dans les prisons de Nantes
B : Di di di di di di di etc. (15 syllabes)
A : Dans les prisons de Nantes                          
C : Y’avait un prisonnier,
C : Y’avait un prisonnier.

1) Version 1
Voici une version que j’ai trouvée sur le site Comptines (lien), nettement plus longue que la version des Tri Yann

« Dans les prisons de Nantes
Eh' youp la la la ri tra la la
Dans les prisons de Nantes
Il y a un prisonnier (bis)

Que personne ne va voir
Eh' youp la la la ri tra la la
Que personne ne va voir
Que la fille du geôlier (bis

Elle lui porte à boire
Eh' youp la la la ri tra la la
Elle lui porte à boire
À boire et à manger (bis)

Et des chemises blanches
Eh' youp la la la ri tra la la
Et des chemises blanches
Quand il veut en changer (bis)

Un jour il lui demande
Eh' youp la la la ri tra la la
Un jour il lui demande
De moy oy'ous parler ? (bis)

Le bruit court par la ville
Eh' youp la la la ri tra la la
Le bruit court par la ville
Que demain vous mourrez (bis)

Puisqu'il faut que je meure
Eh' youp la la la ri tra la la
Puisqu'il faut que je meure
Déliez-moi les pieds (bis)

La fille était jeunette
Eh' youp la la la ri tra la la
La fille était jeunette
Les pieds lui a lâchés (bis)

Le galant fort alerte
Eh' youp la la la ri tra la la
Le galant fort alerte
Dans la mer a sauté (bis)

Quand il fut sur la grève
Eh' youp la la la ri tra la la
Quand il fut sur la grève
Il se mit à chanter (bis)

Dieu bénisse les filles
Eh' youp la la la ri tra la la
Dieu bénisse les filles
Surtout celle du geôlier (bis)

Si je reviens à Nantes
Eh' youp la la la ri tra la la
Si je reviens à Nantes
Oui, je l'épouserai ! (bis) »

Cette version est cohérente du point de vue formel.
La rime est assurée par le redoublement de chaque vers significatif, mais surtout, il existe une rime générale : le /é/ final du second vers de chaque strophe :
*prisonnier
*geôlier
*manger
*changer
*parler
*mourrez
*pieds
*lâchés
*sauté
*chanter
*geôlier
*épouserai.

2) La version des Tri Yann
Cf. notice du site Great Song (lien
(LA transcription n'est pas très bonne)

Version du CD « Tri Yann an Naoned », Kelenn 510 771-2, plage 10
« Dans les prisons de Nantes
Y avait un prisonnier
Personne ne le vint "vouère"
Que la fille du geôlier.
[la réplique est mal prononcée : « é la fille du geôlier »].
Un jour il lui demande:
Oui que dit-on de "moué"?
On dit de vous en ville
Que vous serez pendu
[la réplique est mal prononcée : « é vous serez pendu »].
Mais s'il faut qu'on me pende
Déliez-moi les pieds.
La fille était jeunette
Les pieds lui a déliés.
Le prisonnier alerte
Dans la Loire s’est jeté.
Dès qu’il fut sur les rives,
Il se prit à chanter:
Je chante pour les belles
Surtout celle du geôlier.
Si je reviens à Nantes,
Oui, je l'épouserai.
Dans les prisons de Nantes
Y avait un prisonnier »

Cette version n’est pas cohérente formellement.
Elle contient en effet une strophe hors de la rime générale : « On dit de vous en ville
Que vous serez pendu. »
Il me semble évident que le texte logique dans ce cas serait « On dit de vous en ville
Que pendu vous serez. », inversion un peu archaïque, mais qui se trouve en d’autres endroits : « La fille était jeunette Les pieds lui a déliés » et « Le prisonnier alerte Dans la Loire s’est jeté ».
C’est d’autant plus absurde que l’on trouve aussi deux indicateurs explicites d’archaïsme : « vouère » et « moué », le second étant effectivement destiné à assurer la rime générale qui ne se réaliserait pas avec « moi ». Or la discordance de « pendu » est bien plus forte que celle de « moi » !

3) Autre version
Il s’agit d’une variante de la précédente (lien)
« Dans les prisons de Nantes / Y avait un prisonnier
Personne ne vint le "vouère" / Que la fille du geôlier
Un jour il lui demande / Et que dit-on de "moué" ?
On dit de vous en ville / Que vous serez pendu
On dit de vous en ville/ Que demain vous mourrez
Mais s'il faut qu'on me pende / Déliez-moi les pieds
La fille était jeunette / Les pieds lui a déliés
Le prisonnier alerte / Dans la Loire s'est jeté
Dès qu'il fût sur les rives / Il se prit à chanter
Je chante pour les belles / Surtout celle du geôlier
Si je reviens à Nantes / Oui je l'épouserai
Dans les prisons de Nantes / Y avait un prisonnier. »
La différence avec la version des Tri Yann réside dans l’ajout d’un couplet, qui doublonne le couplet « fautif » signalé. On peut supposer que c’est le couplet « On dit de vous en ville / Que vous serez pendu » qui est le véritable doublon. Ou alors, il faudrait inverser l’ordre des couplets et rétablir la rime correcte :
« On dit de vous en ville/ Que demain vous mourrez.
On dit de vous en ville / Que pendu vous serez. »
Il est en effet logique de dire : « Vous allez mourir, parce que vous allez être pendu »
Alors que « Vous allez être pendu » ne nécessite pas vraiment d’ajouter « vous allez mourir ».



Création : 26 mai 2020
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 79. A propos de la chanson Dans les prisons de Nantes
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2020/05/a-propos-de-la-chanson-dans-les-prisons.html







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