Quelques remarques sur une chanson populaire
Classement :
La
chanson Dans les prisons de Nantes est
assez connue ; elle fait notamment partie du répertoire des Tri Yann.
Aspect
historique
Cette
chanson date certainement du XVIIème siècle et serait en relation avec
l’emprisonnement de Nicolas Fouquet au château de Nantes, après son arrestation
le 5 septembre. Mais Fouquet a été transféré à Angers le 7 septembre et ne
s’est pas évadé.
On
peut remarquer qu’il est dit que le prisonnier « dans la Loire s’est
jeté » ; effectivement, à l’époque, un bras de la Loire passait aux
pieds du château.
Philologie
Le
texte a la structure suivante : chaque couplet est constitué par deux vers
redoublés (A et C) et un vers sans signification (B) intercalé entre le premier
vers et son redoublement. Il n’y a pas de refrain à proprement parler.
A :
Dans les prisons de Nantes
B :
Di di di di di di di etc. (15 syllabes)
A : Dans les prisons de Nantes
C :
Y’avait un prisonnier,
C :
Y’avait un prisonnier.
1) Version
1
Voici
une version que j’ai trouvée sur le site Comptines (lien), nettement plus
longue que la version des Tri Yann
« Dans
les prisons de Nantes
Eh' youp
la la la ri tra la la
Dans les
prisons de Nantes
Il y a
un prisonnier (bis)
Que
personne ne va voir
Eh' youp
la la la ri tra la la
Que
personne ne va voir
Que la
fille du geôlier (bis
Elle lui
porte à boire
Eh' youp
la la la ri tra la la
Elle lui
porte à boire
À boire
et à manger (bis)
Et des
chemises blanches
Eh' youp
la la la ri tra la la
Et des
chemises blanches
Quand il
veut en changer (bis)
Un jour
il lui demande
Eh' youp
la la la ri tra la la
Un jour
il lui demande
De moy
oy'ous parler ? (bis)
Le bruit
court par la ville
Eh' youp
la la la ri tra la la
Le bruit
court par la ville
Que
demain vous mourrez (bis)
Puisqu'il
faut que je meure
Eh' youp
la la la ri tra la la
Puisqu'il
faut que je meure
Déliez-moi
les pieds (bis)
La fille
était jeunette
Eh' youp
la la la ri tra la la
La fille
était jeunette
Les
pieds lui a lâchés (bis)
Le
galant fort alerte
Eh' youp
la la la ri tra la la
Le
galant fort alerte
Dans la
mer a sauté (bis)
Quand il
fut sur la grève
Eh' youp
la la la ri tra la la
Quand il
fut sur la grève
Il se
mit à chanter (bis)
Dieu
bénisse les filles
Eh' youp
la la la ri tra la la
Dieu
bénisse les filles
Surtout
celle du geôlier (bis)
Si je
reviens à Nantes
Eh' youp
la la la ri tra la la
Si je
reviens à Nantes
Oui, je
l'épouserai ! (bis) »
Cette
version est cohérente du point de vue formel.
La
rime est assurée par le redoublement de chaque vers significatif, mais surtout,
il existe une rime générale : le /é/ final du second vers de chaque
strophe :
*prisonnier
*geôlier
*manger
*changer
*parler
*mourrez
*pieds
*lâchés
*sauté
*chanter
*geôlier
*épouserai.
2) La
version des Tri Yann
Cf.
notice du site Great Song (lien)
Version
du CD « Tri Yann an Naoned », Kelenn
510 771-2, plage 10
« Dans
les prisons de Nantes
Y avait
un prisonnier
Personne
ne le vint "vouère"
Que la
fille du geôlier.
[la
réplique est mal prononcée : « é la fille du geôlier »].
Un jour
il lui demande:
Oui que
dit-on de "moué"?
On dit
de vous en ville
Que vous
serez pendu
[la
réplique est mal prononcée : « é vous serez pendu »].
Mais
s'il faut qu'on me pende
Déliez-moi
les pieds.
La fille
était jeunette
Les
pieds lui a déliés.
Le
prisonnier alerte
Dans la Loire
s’est jeté.
Dès qu’il
fut sur les rives,
Il se prit
à chanter:
Je
chante pour les belles
Surtout
celle du geôlier.
Si je
reviens à Nantes,
Oui, je
l'épouserai.
Dans les
prisons de Nantes
Y avait
un prisonnier »
Cette
version n’est pas cohérente formellement.
Elle
contient en effet une strophe hors de la rime générale : « On dit de
vous en ville
Que
vous serez pendu. »
Il
me semble évident que le texte logique dans ce cas serait « On dit de vous
en ville
Que
pendu vous serez. », inversion un peu archaïque, mais qui se trouve en
d’autres endroits : « La fille était jeunette Les pieds lui a
déliés » et « Le prisonnier alerte Dans la Loire s’est jeté ».
C’est
d’autant plus absurde que l’on trouve aussi deux indicateurs explicites
d’archaïsme : « vouère » et « moué », le second étant
effectivement destiné à assurer la rime générale qui ne se réaliserait pas avec
« moi ». Or la discordance de « pendu » est bien plus forte
que celle de « moi » !
3) Autre
version
Il
s’agit d’une variante de la précédente (lien)
« Dans
les prisons de Nantes / Y avait un prisonnier
Personne
ne vint le "vouère" / Que la fille du geôlier
Un jour
il lui demande / Et que dit-on de "moué" ?
On dit
de vous en ville / Que vous serez pendu
On dit de vous en ville/ Que
demain vous mourrez
Mais
s'il faut qu'on me pende / Déliez-moi les pieds
La fille
était jeunette / Les pieds lui a déliés
Le
prisonnier alerte / Dans la Loire s'est jeté
Dès
qu'il fût sur les rives / Il se prit à chanter
Je
chante pour les belles / Surtout celle du geôlier
Si je
reviens à Nantes / Oui je l'épouserai
Dans les
prisons de Nantes / Y avait un prisonnier. »
La
différence avec la version des Tri Yann réside dans l’ajout d’un couplet, qui
doublonne le couplet « fautif » signalé. On peut supposer que c’est
le couplet « On dit de vous en ville / Que vous serez pendu » qui est
le véritable doublon. Ou alors, il faudrait inverser l’ordre des couplets et
rétablir la rime correcte :
« On
dit de vous en ville/ Que demain vous mourrez.
On dit
de vous en ville / Que pendu vous serez. »
Il est
en effet logique de dire : « Vous allez mourir, parce que vous allez
être pendu »
Alors
que « Vous allez être pendu » ne nécessite pas vraiment d’ajouter
« vous allez mourir ».
Création : 26 mai 2020
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 79. A propos de la chanson Dans les prisons de Nantes
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2020/05/a-propos-de-la-chanson-dans-les-prisons.html
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