vendredi 28 mars 2014

19. Daniel Cohn-Bendit apatride Annexe 2 (b) La lettre à François Missoffe (février 1968)

Quelques informations sur la lettre de Daniel Cohn-Bendit à François Missoffe en février 1968


Classement : la procédure d'expulsion de février 1968




Ceci est une annexe des pages consacrées à l’apatridie de Daniel Cohn-Bendit (cf Daniel Cohn-Bendit a-t-il vraiment été apatride ?) et, plus particulièrement, d'une des pages consacrées à la procédure d’expulsion qu’il a encourue en février 1968 (cf. Daniel Cohn-Bendit apatride Annexe 2 (a) Le mémoire en défense de François Sarda), dans laquelle j’étudie le texte (« mémoire en défense ») rédigé par l’avocat François Sarda pour défendre Daniel Cohn-Bendit devant la commission d’expulsion de la préfecture de police du 16 février 1968, suite, notamment, à des propos échangés le 8 janvier 1968 avec le Ministre de la Jeunesse et des Sports, François Missoffe.

Présentation
Une des pièces jointes à ce mémoire est la lettre adressée par Daniel Cohn-Bendit à François Missoffe ; elle est reproduite dans le livre d’Emeline Cazi, Le Vrai Cohn-Bendit, pages 302-304 ;  j’en donne ci-dessous quelques extraits. J’ai supprimé la plus grande partie de ce qui a trait à l’échange de propos avec le ministre, qui n’a pas d’intérêt pour le sujet de la nationalité de Daniel Cohn-Bendit.
Cette lettre est évoquée dans le journal Le Monde du 17 février 1968 (page 10) : « Après les incidents de Nanterre, M. Cohn-Bendit a comparu devant la commission d’expulsion »
L’article mentionne le mémoire en défense de François Sarda et la lettre de Daniel Cohn-Bendit à François Missoffe.
« En réponse, le Ministre lui a écrit qu’il ne retenait pas l’incident et l’a invité à venir le voir afin d’avoir avec lui une discussion générale sur la jeunesse « comme il en a eu avec les jeunes de toutes opinions ». L’avis de la commission sera signifié à l’intéressé ultérieurement. La réponse de M. Missoffe donne toutefois à penser que l’affaire n’aura pas de suite. ».
Elle l’est aussi dans le livre de Gabriel Cohn-Bendit, Nous sommes en marche (page 136) :
« Au téléphone, Dany m’avait relaté l’histoire dans tous les détails, et comme il n’avait pas la moindre envie d’être viré de la fac, nous nous sommes mis à travailler ensemble à un modèle de lettre. Nous expliquions que Dany n’avait pas traité le ministre de fasciste, mais qu’il l’avait accusé d’avoir tenu des propos de type fasciste. A la remarque de Dany sur l’absence de toute référence à la sexualité dans le rapport ministériel, Missoffe avait répliqué : « Si vous avez des problèmes [sexuels], plongez dans la piscine.
Une fois la lettre expédiée par l’entremise de l’avocat gaulliste de gauche Sarda, l’affaire s’arrangea… La propre fille de François Missoffe, étudiante à Nanterre, avait convaincu son père que cette histoire n’était pas si grave. […] Plus tard, nous avons appris que cette « travailleuse de l’ombre » s’appelait Françoise de Panafieu. »
On peut aussi signaler les remarques, plutôt favorables, de Daniel Cohn-Bendit lors du décès de François Missoffe (voir Libération, 29 août 2003).

Extraits
« Monsieur Marc Cohn-Bendit
2, Square Léon Guillot
Paris 15ème
                                                                                            Paris, le 6 février 1968

Monsieur le Ministre,

Vous savez que je suis menacé d’expulsion, pour différents motifs, mais il est évident que la demande est surtout fondée sur les propos que je vous ai adressés lors de votre visite à la Faculté de Nanterre.
Je crois qu’il y a eu à cette occasion un malentendu et c’est à vous-même que je tiens à adresser cette lettre.
On vous a sans doute dit rapidement que j’étais un étudiant allemand – or je réagis à Nanterre comme un étudiant Franco-Allemand.
Mes parents, juifs allemands, se sont réfugiés en France en 1933. Mon frère aîné, né à Paris en 1936, fut naturalisé Français à sa naissance. Il est aujourd'hui professeur certifié d’allemand au lycée de St Nazaire.
Je suis né après la guerre à Montauban et je ne sais pourquoi je n’ai pas été naturalisé.
Mais né en France et de parents apatrides l’armée française me considère comme français puisqu’elle m’a récemment convoqué pour mon service militaire – or je suis juridiquement allemand.
En 1951, mon père est retourné en Allemagne de l’Ouest. Quelques années après ma mère l’a suivi en m’emmenant avec elle. J’ai donc vécu en France de 1945 à 1958.
Ensuite, après le décès de mes parents, j’ai voulu opter pour la nationalité française, ce qui était juridiquement impossible, parce que je n’avais plus de domicile légal en France depuis plus de cinq ans.
Je suis revenu en France en 1965, rejoindre mon frère, seul membre de ma famille encore survivant. Voilà comment je m’y trouve être un étudiant « allemand ».

[Il traite ensuite le problème de sa conversation avec le Ministre de la Jeunesse et des Sports et conclut : ]

Le malentendu consiste dans le fait que cette réflexion théorique ait pu être considérée comme une attaque personnelle, voire comme une insulte à votre égard.
Croyez, Monsieur le Ministre, que je le regrette et je serais navré si vous le considériez comme tel. Ainsi, si je me devais de lever le malentendu que ma réplique pouvait avoir à votre égard, je ne pense pas vous devoir des excuses, n’ayant nullement eu l’intention de vous offenser. Je vous les adresse pour ma maladresse dans mon expression.

J’ajouterai seulement, et vous le comprendrez, que je serais consterné, si j’étais expulsé d’un pays où je suis né parce que mes parents y trouvèrent asile en 1933, après avoir été chassés de leur propre pays. »

Notes et commentaires : à venir



Création : 28 mars 2014
Mise à jour :
Révision : 16 septembre 2017
Auteur : Jacques Richard
Blog : Territoires
Page : 19. Daniel Cohn-Bendit apatride Annexe 2 (b) La lettre à François Missoffe (février 1968)
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2014/03/19-lettre-missoffe-fevrier-1968.html








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