Quelques réflexions sur l’article 9 du Code civil français de
1804 et sur la loi du 26 juin 1889 : « droit du sol » et « obligation
du sol »
Classement :
droit ; France ; nationalité
Un des lieux communs de la pensée médiatique sur la question
« "droit du sang" versus "droit du sol" » est que le droit du sol n’est
apparu qu’à une date récente dans le droit français. Une tendance (voir par exemple ce qu'écrit le professeur de droit Emmanuel Langavant) est de dater cette irruption de 1945 (« l’ordonnance de 1945 »), alors qu’elle a
eu lieu dès la fin du XIXème siècle, sous la IIIème République (loi du 26 juin1889).
Le Code civil de 1804
Mais en réalité, le « droit du sol » existait, de façon plus discrète, dans le Code civil de 1804, dont l’article 9 indiquait :
« Tout individu né en France d’un étranger, pourra,
dans l’année qui suivra l’époque de sa majorité, réclamer la qualité de
Français : pourvu que, dans le cas où il résiderait en France, il déclare que
son intention est d’y fixer son domicile ; et que, dans le cas où il résiderait
en pays étranger, il fasse sa soumission de fixer en France son domicile, et
qu’il l’y établisse dans l’année à compter de l’acte de soumission. »
Cet article permettait donc à un quidam né en France d’un
père étranger d’obtenir la nationalité française à sa majorité. La seule
condition était de s’installer en France (dans un délai d’un an
après la demande) ; en ce qui concerne la période antérieure, aucune autre
condition que la « naissance en France » n’était exigée.
Cette possibilité a été utilisée par Emile Zola, né à Paris
en 1840, d’un père vénitien, en 1861.
De 1804 à 1889, le « droit du sol », tel qu’il
existait dans le Code civil, donnait le droit à un étranger né en
France de devenir français à sa majorité.
La loi de 1889 change peu de choses
pour les personnes nées en France d’un père étranger né à l’étranger : elles
deviennent françaises à leur majorité, mais ont le droit de renoncer à cette
nationalité (auparavant, elles restaient étrangères par défaut, mais pouvaient devenir françaises sur demande ; désormais, elles deviennent françaises par défaut,
mais peuvent rester étrangères sur demande).
Le changement essentiel concerne
les personnes nées en France d’un père étranger né en France : la
nationalité française leur est imposée sans recours.
Dans ce dernier cas, le « droit du sol » est un droit pour l’Etat français : en conséquence de la nationalité, c’est le service militaire, désormais universel, qui est imposé ; ce n'en est pas un pour les intéressés, qui n’ont plus le choix (cela dit sans tenir
compte de la question de la légitimité de cette décision). On devrait plutôt
appeler cela « obligation du sol ».
On pourrait dire que le « droit du sol » existait
dans le Code civil de 1804, tandis que la loi de 1889 réintroduit l’ « obligation
du sol », qui existait de façon assez générale sous l'Ancien Régime.
Création : 25 décembre
2015
Mise à jour :
Révision : 6 septembre 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Territoires
Page : 51. Le droit du sol dans le Code civil de 1804 et la loi de 1889
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2015/12/le-droit-du-sol-dans-le-code-civil-de.html
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