Quelques informations sur la carte de l’OFPRA de Daniel
Cohn-Bendit, datée du 26 avril 1957
Classement : données concernant les réfugiés et apatrides
Dans le livre d’Emeline Cazi, Le Vrai Cohn-Bendit (Plon, 2010) se trouve reproduite la carte de l’OFPRA
de Daniel Cohn-Bendit pour les années 1957-1960 (photographie hors-texte).
Je renvoie à une page spécifique pour les éléments généraux sur la protection des réfugiés et apatrides au XXème siècle, notamment les Allemands antinazis, et sur l'OFPRA, organisme qui a été créé en 1952.
Description du document
La carte est en diptyque.
On y trouve des éléments pré-imprimés, des ajouts
dactylographiés ou tamponnés (italique), des ajouts manuscrit (italique,
souligné).
Les astérisques correspondent à des notes (sous la transcription du document).
PREMIER VOLET
« VF/AN
N° d’enregistrement : 71.937 8758
(tampon)
(photographie) Bénéficiaire
de la
Convention du
10. 2. 1938*
(tampon) (signature)
Signature
du titulaire
(timbre fiscal)
Ce document ne dispense pas son titu-
laire de la carte de séjour. »
laire de la carte de séjour. »
VOLET 2
« Le Directeur* de l’Office Français de Protection des
réfugiés et apatrides
CERTIFIE
que Mr COHN-BENDIT Marc-Daniel
demeurant à PARIS 15°*
né (
à MONTAUBAN (T. et G.)
fils (
et de Herta-Judith née David
est réfugié (
et qu’il (elle) est placé (e) sous la protection juridique
et administrative de l’OFFICE.
Ce CERTIFICAT est valable :
du 26.4.57 au 25.4.60
Paris, le 26 Avril 1957.
Le
Directeur*
(tampon,
signature*) »
Notes
*Le directeur : à cette époque, le directeur est Georges Gueyraud (du 1° novembre 1954 au 18 avril 1962 ; cf. Galerie des directeurs de l'OFPRA)
*signature : le signataire n'est probablement pas le directeur lui-même
*La convention du 10 février 1938 : à venir
*Paris 15° : 2, square Léon-Guillot
La légende
« Daniel Cohn-Bendit est né apatride. Sur les conseils
de son père, il prend la nationalité allemande à l’adolescence pour faciliter
ses allers et retours entre la France et l’Allemagne. ©
GERARD-AIME/Rapho/Eyedea Presse »
Remarque
Emeline Cazi donne ici pour l'adoption de la nationalité allemande un motif différent de celui donné par l'intéressé (éviter le service militaire en France). Par ailleurs, rien dans le document n’indique que Daniel Cohn-Bendit soit « né apatride ». Il est en revanche indiqué qu'il a encore le statut de « réfugié », du fait que sa mère a elle-même ce statut.
Commentaires
1) cette carte est-elle la seule qui ait été
délivrée ?
Il s’agit de la dernière qui lui ait été délivrée, Daniel
Cohn-Bendit disposant de papiers d’identité allemands à partir probablement de
1959, peut-être de 1960 ou 1961.
Il est probable qu’elle n’a pas été la seule, en tout cas 1957 ne doit pas être son premier contact avec l'OFPRA (je ne vois pas
pourquoi l’OFPRA l’enregistrerait en 1957 s’il ne l’avait pas fait avant). Comme
il s’agit d’une carte triennale, on peut penser qu’il y en a eu une
précédente émise en 1954. En ce qui concerne la période antérieure, il ne m’est
pas possible pour le moment de dire ce qui a pu se passer (il faudrait savoir
quel organisme fonctionnait avant l’OFPRA).
Il paraît cependant probable qu’il y a eu dès avril 1945 (vu la date de la carte) un
enregistrement (en plus de l'enregistrement à l'état civil de Montauban, qui, conformément aux règles, ne comporte pas de mention de nationalité), date à laquelle la guerre n’était pas tout à fait terminée et où les Cohn-Bendit étaient
dans une situation administrative précaire. Cette précarité n’a pas pris fin
avec la guerre, étant donné la situation qui régnait en Allemagne, dépourvue de
gouvernement central jusqu’en 1949.
2) s’agit-il d’une « carte d’apatride » ?
Il est évident que cette carte est la base factuelle de l’affirmation de Daniel Cohn-Bendit selon laquelle il « a été
apatride pendant 14 ans ».
Dans le mémoire préparé par François Sarda en février 1968,
alors que Daniel Cohn-Bendit était en butte à une procédure d’expulsion
(différente de celle du 21 mai), l’avocat évoque sa « carte d’apatride » ;
cette notion apparaît aussi dans des écrits de Daniel et de Gabriel Cohn-Bendit de
cette époque.
Cependant, je ferai une objection conceptuelle : appeler
« carte d’apatride » une carte délivrée par l’OFPRA constitue une
simplification notable : une carte de l’OFPRA est
attribuée à une personne qui peut être « réfugiée et apatride » ou « réfugiée » ou « apatride ». Il y a
probablement peu d’apatrides qui ne soient pas des réfugiés ; en revanche,
les réfugiés ne sont pas a priori apatrides.
Cette carte prouve incontestablement qu'en 1957, la situation de
Daniel Cohn-Bendit est considérée comme relevant de l’OFPRA ; en revanche, elle
ne prouve pas catégoriquement qu’il soit apatride.
3) pourquoi la protection de l’OFPRA en 1957 ?
On peut aussi s’interroger sur ce qui justifie que, dans les années
1957-60, la situation de Daniel (et de Herta Cohn-Bendit) soit
encore considérée comme précaire, étant donné que (quelles que soient ses
raisons d’être parti et les leurs d’être restés) Erich Cohn-Bendit était rentré
en Allemagne (vers 1950) et n’était plus ni réfugié ni apatride (sauf erreur de
ma part). Légalement (je laisse de côté tout ce qui relève des subjectivités), rien ne s’opposait alors au retour en Allemagne et à la
reconnaissance de la nationalité allemande de Daniel Cohn-Bendit ; c’est d’ailleurs ce qui s’est
passé en 1958-1959.
Il faut aussi rappeler que, du fait qu’il est né en France, l’accès à la nationalité
française lui était ouvert par la procédure de la déclaration (article 52 de l’Ordonnance de 1945, repris de la loi de 1889 : il ne s'agit pas d'une nouveauté). Certes, il n’avait pas la nationalité française, mais il
pouvait l'obtenir en la demandant, avant même d'atteindre l'âge de 21 ans où elle lui aurait été attribuée (s'il était resté en France).
Dans ces conditions, on pourrait dire que le fonctionnaire de l'OFPRA a fait preuve de mansuétude en prolongeant un statut plus tout à fait adéquat plutôt que de contraindre Daniel Cohn-Bendit et sa mère à une clarification de leur situation administrative (soit repartir en Allemagne, soit faire les démarches pour qu'au moins le fils devienne français).
Mais, si cette hypothèse est correcte, je ne vois pas de raison de proclamer ensuite une apatridie (c'est-à-dire, au sens fort, le fait d'être rejeté, d'être refusé, par tous les Etats, et plus particulièrement : la France et l'Allemagne) alors qu'il s'agissait en quelque sorte d'une mesure de bienveillance - tout à fait légitime et digne d'éloges - de la part d'un fonctionnaire français.
Conclusion
La carte de l’OFPRA ne constitue donc pas, à mon avis, une preuve de l’apatridie de Daniel Cohn-Bendit durant les années
1950.
Création : 20 mars 2014
Mise à jour : 25 mars 2014
Révision : 17 septembre 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Territoires
Page : 14. Daniel Cohn-Bendit apatride Annexe 1 (a) Sa carte de l'OFPRA
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2014/03/14-dcb-apatride-1-ofpra.html
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