jeudi 4 février 2016

QH 1. Une utilisation abusive de l’expression « camp de concentration »

Quelques remarques sur l'emploi abusif de l’expression « camp de concentration » à propos des camps pour les réfugiés espagnols de 1939


Classement : terminologie ; France ; Allemagne ; 1939-1945




Référence
*Reporters sans frontières, Robert Capa 100 photos pour la liberté de la presse, numéro spécial 50, décembre 2015, page 64

Objet
On trouve là une photographie du camp du Barcarès, avec la légende suivante
« Des réfugiés républicains espagnols sont transférés d’une partie à l’autre d’un camp de concentration ».

Commentaires
J’ai adressé le courrier suivant à Perrine Daubas, rédactrice en chef de l'ouvrage :
« […] Il me semble que l'utilisation de la formule « camp de concentration » est inappropriée, même si c'était la dénomination officielle du camp du Barcarès.
En effet, depuis la Seconde Guerre mondiale, l'expression « camp de concentration » renvoie aux camps nazis (Büchenwald, Dachau, etc.) qui étaient essentiellement des camps d'incarcération pénale et de travail forcé, dans lesquels régnaient des conditions telles que la mortalité y a été très forte (2/3, je ne parle pas des camps voués à l'extermination en raison de la race, où elle a été proche de 100 %).
Or les camps pour les républicains espagnols étaient des camps d'hébergement d'urgence pour réfugiés politiques dont les occupants étaient a priori dispensés de travail. Certes ils y étaient assignés et ne pouvaient donc les quitter librement : mais ils n'étaient pas incarcérés en punition d'une faute (réelle ou imaginaire). Même si on considère que ces camps étaient « indignes », les conditions de vie n'y avaient rien à voir avec celles qui existaient dans les camps allemands (nazis).
D'une façon plus générale, il me semble qu'un des devoirs de la presse est d'utiliser une terminologie correcte : curieusement, il arrive fréquemment qu'il y ait un « jeu sur les mots » à propos des « camps de concentration » français de 1939, laissant croire ou insinuant que, finalement, la France ne valait pas mieux que l'Allemagne en matière de répression ! »

Ajouts
1) Un peu plus loin dans le même ouvrage (page 72), on trouve à propos du camp de Bram l'énoncé « camp d'internement pour les réfugiés républicains », qui est évidemment moins négatif ; on peut se demander ce qui justifie une telle différence terminologique. Il semble qu'il s'agisse d'un changement dans la terminologie officielle : les camps pour les réfugiés espagnols ont d'abord été désignés comme « camps de concentration », puis comme « camp d'internement ». Mais cela n'empêche pas que la première désignation soit aujourd'hui connotée par les camps de concentration nazis et que son emploi soit problématique. Il faudrait soit fournir une explication en note, soit se contenter de la désignation « camps ».
2) La formule « camps d'incarcération pénale et de travail forcé » que j'ai employée n'est peut-être pas tout à fait juste ; il est certain qu'il s'agissait d'incarcération, mais elle n'était pas toujours fondée sur un jugement pénal ; en ce qui concerne les Allemands il pouvait s'agir d'une mesure politique.

A suivre
D’autres exemples de « jeu sur les mots » à propos des « camps de concentration »



Création : 4 février 2016
Mise à jour : 12 février 2017
Révision : 5 septembre 2017
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 1. Une utilisation abusive de l’expression « camp de concentration »
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2016/02/une-utilisation-abusive-de-lexpression.html








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