Quelques réflexions sur la déchéance de nationalité d’Erich
Cohn-Bendit : l’avis officiel de déchéance du 14 février 1939
Classement : apatridie ; Allemagne nazie
Ceci est une suite des pages sur l’apatridie de Daniel
Cohn-Bendit, (cf. Daniel
Cohn-Bendit a-t-il vraiment été apatride ?), et une annexe de la page A
propos de la déchéance de nationalité d'Erich Cohn-Bendit, dans laquelle je
présente un passage de l’autobiographie de Gabriel (Nous sommes en marche,
1999, page 71) où il cite l’acte de déchéance de février 1939.
Je présenterai ci-dessous cet acte tel qu’il apparaît dans
un ouvrage allemand fondamental pour le sujet.
Référence
*Michael Hepp, Die Ausbürgerung deutscher
Staatsangehöriger 1933–45 nach den im Reichsanzeiger veröffentlichten Listen,
Munich, Saur, 1985 (3 volumes) [disponible à la BDIC et en PEB)
Présentation de l’ouvrage
Il s’agit essentiellement de la reproduction des listes de
déchéance parues dans une sorte de Journal officiel, le Reichsanzeiger und
Preußischer Staatsanzeiger
Le volume 1
contient l’ensemble de ces listes après une présentation assez
courte (39 pages) ; le volume 2 est un index alphabétique des noms des déchus ;
le volume 3 est un index par lieu de naissance des déchus (et, pour un nombre
très limité, par lieu de dernière résidence connue).
Les premières
listes sont peu fréquentes (7 de 1933 à 1936), mais contiennent quelques
personnalités : Albert Einstein (liste 2, n°9), Bertolt Brecht (liste 4,
n°2), etc.
Ensuite elles se
multiplient.
Le cas d’Erich
Cohn-Bendit
Son nom apparaît
dans la liste n° 92, pages 120 et 121.
Je reproduis ci-dessous
le texte de l'« avis » (Bekanntmachung) :
« [Liste 92
Deutscher
Reichsanzeiger und Preußischer Staatsanzeiger Nr. 41 vom 17. 2.1939]
Bekanntmachung
Auf Grund des # 2 des Gesetzes über den Widerruf von
Einbürgerungen und die Aberkennung der deutschen Staatsangehörigkeit vom 14.
Juli 1933 (RGBl*. I S. 480) erkläre ich im Einvernehmen mit dem Herrn Reichsminister
des Auswärtigen* folgende Personen der deutschen Staatsangehörigkeit für
verlustig:
[…]
17. Cohn-Bendit,
Erich, geb. am 26. 11. 1902 in Berlin,
[…]
Berlin, den 14.
Februar 1939.
Der
Reichsminister des Innern*.
I. V.: Pfundtner. »
Notes
*RGBl : ReichsGesetzBlatt
(Journal des lois du Reich)
*Reichsminister des
Auswärtigen : Joachim von Ribbentrop (1893-1946), ministre des Affaires
étrangères de 1938 à 1945
*Reichsminister des
Innern : Wilhelm Frick (1877-1946), ministre de l’Intérieur de 1933 à
1943
*I. V. : in Vertretung (par délégation)
*Pfundtner :
Hans Pfundtner (1881-1945), juriste, haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur
(cf. Wikipédia allemande) ; mort par suicide le 25 avril 1945
Traduction
« [Liste 92
Moniteur du Reich allemand et Moniteur d’Etat de Prusse n° 41 du
17/02/1939]
Avis
Sur la base de l’article 2 de la loi du 14 juillet 1933 sur le retrait des naturalisations
et la déchéance de la nationalité allemande (JLR, I page
480), je déclare, en accord avec M. le Ministre des Affaires étrangères du
Reich, que les personnes suivantes sont privées de la nationalité
allemande :
[…]
17. Cohn-Bendit, Erich, né le 26/11/1902 à Berlin,
[…]
Berlin, le 14 février 1939.
Le ministre de l’Intérieur du Reich.
Par délégation : Pfundtner. »
Le cas de Herta David, épouse Cohn-Bendit
La mère de Daniel Cohn-Bendit a quitté l’Allemagne avec Erich
dès 1933, et ils se sont mariés seulement ensuite, en France.
Son nom n’apparaît pas dans les listes du Deutscher Reichsanzeiger, ni sous l’entrée « Cohn-Bendit »,
ni sous l’entrée « Cohn », ni sous l’entrée « David ».
On notera qu’à la fin de certaines listes (par exemple, 2, 4,
6), il est explicitement indiqué que la déchéance de nationalité est « étendue
aux épouses x et y » (par exemple, dans la
liste 4 :
« Der
Verlust der deutschen Staatsangehörigkeit wird ausgedehnt auf die Ehefrauen:
37. Sfera Chaja
Pfemfert, geb. Ramm, […]
38. Betty
Schneider geb. Lüddemann, […] »).
Il est probable que les autorités allemandes (nazies) n’ont
pas eu la connaissance officielle du mariage d’Erich et de Herta et il semble
en être résulté qu'elle n’a pas été déchue de la nationalité allemande (cela dit sous
réserve de vérification).
Si c'est exact, cela renforce l’idée que Daniel Cohn-Bendit n’a nullement
été apatride : sa mère ayant toujours la nationalité allemande en 1945.
Création : 30 janvier 2016
Mise à jour :
Révision: 6 septembre 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Territoires
Page : 56. La déchéance de nationalité d'Erich Cohn-Bendit : l'avis officiel de déchéance
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2016/01/erich-cohn-bendit-lavis-officiel-de.html
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