jeudi 28 février 2019

QH 48. « Nos ancêtres les Gaulois » : le point de vue de Jean-Yves Camus

Quelques remarques sur des sottises énoncées à propos des Gaulois


Classement : histoire ancienne ; Gaule




Référence
*Jean-Yves Camus, « Les passions identitaires de l’extrême-droite », Charlie Hebdo n° 1388, 27 février 2019, page  6

L'auteur
(lien Wikipédia)

Texte
« La droite identitaire ne croit ni à l’égalité ni à l’universalisme. Elle veut que les individus soient à la fois enracinés et traçables, qu’ils puissent prouver une généalogie adossée au slogan de Barrès, « la terre et les morts ». Dans certains cas, cette passion identitaire de l’enracinement aboutit à des absurdités historiques : de ces Gaulois supposés être nos ancêtres, on sait finalement peu de chose [sic], et du peu qu’on sait, ni leur langue ni leurs croyances n’ont grand rapport avec ce qu’est le peuple français aujourd'hui. »

Commentaire
Notes (*) en bas de page.
C’est la première fois que je vois les Gaulois accusés de fricoter avec l’extrême-droite ; habituellement, on se contente de dénoncer le rôle néfaste « des Républicains* » (c'est-à-dire des révolutionnaires de 1789 ou des fondateurs de la III° République), pour montrer à quel point, à gauche, on est dégagé de préjugés « ancestraux ».
Bien entendu, Camus, comme Joffrin et aliiest  persuadé que la formule «Nos ancêtres les Gaulois » se trouve dans tous les manuels d’histoire de l’enseignement primaire de Jules Ferry à 1968, ce qui n'est pas aussi évident qu'il le croit*.
En second lieu, il est assez comique de le voir ériger son ignorance du sujet en « essence » : « on sait peu de chose ». En fait, c'est surtout lui qui en sait moins qu’il ne pourrait, s’il avait lu quelques livres sur le sujet.
Enfin, « ni leur langue ni leurs croyances n’ont grand rapport avec ce qu’est le peuple français aujourd'hui ».
Certes, mais si on attache la moindre importance aux langue et croyances qui comptent encore aujourd'hui, il faut évoquer la langue (un latin plus ou moins déformé) et la croyance (le christianisme, une croyance pas ethnique du tout) de ceux qui peuplaient les Trois Gaules vers 450, qui se pensaient comme des Romains (ce qu’ils étaient, du moins les sujets libres, depuis l'édit de Caracalla, 212) et que nous appelons couramment, mais de façon anachronisante, « Gallo-romains ». Langue qui fait l'essentiel de la nôtre (et des dialectes d'oïl et d'oc) ; croyance qui, même si on laisse de côté l'aspect religieux, reste importante par l'héritage architectural et artistique.
Je rappellerai aussi la place non négligeable de l’héritage gaulois dans la toponymie urbaine (de Lyon à Verdun en passant par Paris, Nantes, Limoges, etc.), dans la toponymie régionale (Berry, Limousin, Anjou, Touraine, Périgord, etc.) et dans la formation territoriale (les départements actuels ayant pour une part repris les limites des anciennes cités gauloises*).

Conclusion
Bref, on pourrait dire que sa « passion anti-identitaire » a amené Jean-Yves Camus à proférer, sinon des « absurdités historiques », du moins des lieux communs erronés et dépourvus d’intérêt. Voire obscurantistes, puisqu'en fin de compte, il pense comme s'il n'y avait surtout pas lieu d'approfondir nos connaissances sur les Gaulois !

Notes
*les Républicains : voir le texte de Laurent Joffrin « Sarkozyx le Gaulois » (21 septembre 2015), traité sur une autre page (lien)
*pas aussi évident qu'il le croit : voir les pages que j’ai consacrées à différents manuels (lien)
*limites des anciennes cités gauloises : voir les pages consacrées au toponyme *Equoranda (lien)



Création : 28 février 2019
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 48. « Nos ancêtres les Gaulois » : le point de vue de Jean-Yves Camus
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2019/02/nos-ancetres-les-gaulois-le-point-de.html








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