Quelques
remarques à propos de la Révolution française, notamment de la période de la
Terreur
Classement : histoire ;
France ; Révolution française ; Terreur
Référence
* Xavier
Mauduit, « Le cours de l’histoire », 26 août 2019, émission consacrée
à l’année 1989
L’auteur
Xavier
Mauduit est agrégé d’histoire, doctorant en histoire, et intervenant à la radio
et à la télévision.
Texte
Il
s’agit d’une remarque de l’animateur qui, demandant si l’année 1989 a marqué
une inflexion dans la pensée historique sur la Révolution française, évoque
notamment : « des auteurs comme François Furet, qui voient dans la
Terreur de 1793 un écho de la terreur stalinienne des années 30 ».
Analyse
et commentaires
Une
curieuse inversion temporelle
Je
dois dire que je suis un peu sidéré par une conception de l’histoire dans
laquelle un événement donné est « l’écho » d’un événement postérieur.
Admettons
qu’il s’agisse d’un lapsus.
Ce
n’est pas une excuse. Il me semble que faudrait faire un peu plus attention à
ce qu’on dit dans le poste !
Un échantillonnage
tout à fait incorrect
De
toute façon, il est inepte de vouloir identifier ce qui s’est passé en France
de 1792 à 1794 (précisément d’août 1792, renversement de la monarchie à juillet
1794, chute de Robespierre), soit deux années, avec ce qui s’est passé en URSS
entre octobre 1917 (prise de pouvoir par les bolcheviks) et 1953 (mars : mort de Staline, puis ses
conséquences), soit près de quatre décennies.
En
URSS, on a affaire à un système caractérisé par le contrôle étroit d’un parti
sur la société, avec des luttes politiques qui n’ont lieu qu’au sommet du parti
(et pour ainsi dire inexistantes à partir de 1928) alors que la période de la
Terreur en France est caractérisée par l’évolution incontrôlée et très rapide des
rapports de force entre différents groupes politiques, suite à l'insurrection du 10 août 1792 et à la chute du régime de monarchie constitutionnelle : les sans-culottes
parisiens (avec un antagonisme entre les sections modérées et les sections
extrémistes), la Commune de Paris, dominée par les extrémistes (hébertistes) et
la Convention, le seul pouvoir légal au niveau national, entièrement acquise à
la République, mais avec des variantes considérables (Girondins, Montagnards et
le groupe centriste de la Plaine). La situation est d'autant plus instable que la France est en guerre, contre l'Autriche et la Prusse depuis avril 1792, puis (à partir de 1793) contre une coalition plus étendue.
La
vie politique en France sous la Terreur
Pour
simplifier, car elle est assez complexe, on peut dire que le rapport de force est très favorable aux
sans-culottes extrémistes d’août 1792 à juin 1793 (date à laquelle ils imposent
par les armes à la Convention la mise en accusation des députés girondins, qui seront condamnés à mort et exécutés) ;
mais il ne leur est pas possible d’anéantir cette « convention »,
qui est une assemblée nationale (ce serait provoquer un soulèvement général alors
qu’à l’été 1793, le quart du territoire est déjà en état d’insurrection du fait des royalistes ou des Girondins) ;
le rapport de force s’inverse ensuite en faveur de l’assemblée, même si les
députés doivent souscrire à la politique de Terreur sous la
direction des Conventionnels les plus extrémistes, le groupe de Robespierre,
qui ne sont cependant pas alignés sur les extrémistes parisiens : au
printemps 1794, les leaders hébertistes (notamment Hébert) sont éliminés en
même temps que les dantonistes, modérés (notamment Danton et Desmoulins). Après
cela, les robespierristes ne réussiront pas à prendre l'ascendant sur les
sans-culottes extrémistes et le « 9 thermidor » (27 juillet 1794)
semble correspondre à une reprise du pouvoir par la Convention par
l’élimination (violente) des robespierristes et la mise au pas de la Commune et
des sections extrémistes.(la Commune de Paris résiste à peine au coup d’État).
D’un
certain point de vue, le 9 thermidor est « contre-révolutionnaire »
(d’où le mépris dans lequel une partie de la gauche française le tient), mais
ce retour en arrière était manifestement inéluctable (il est
difficile de comprendre que les Républicains, très minoritaires, aient pu
prendre le pouvoir, et le conduire avec suffisamment de fermeté pour vaincre à
l’intérieur et à l’extérieur ; ils ont profité d'une conjoncture favorable à l'été 1792) ; il s’ensuit une cessation rapide
des pratiques de la Terreur et l’établissement d’un régime de dictature
républicaine modérée (fondée sur le soutien tacite des armées,
incontestablement républicaines), à la fois hostile aux extrémistes
et aux royalistes (qui réapparaissent alors au grand jour), régime qui débouchera en
fin de compte sur la dictature militaro-monarchisante du général Bonaparte.
La Révolution française et l'histoire de l'URSS
La Révolution française et l'histoire de l'URSS
Si
on compare avec la Russie soviétique et l’URSS, cette période française de la
Terreur ne pourrait correspondre qu’à la période de la guerre civile
(1918-1921) ; il est évident que si, après la guerre civile, il avait été
établi en Russie un régime plus normal, même une dictature sans prétentions, on
ne parlerait pas de « totalitarisme » ; mais celui-ci, instauré
pendant la guerre civile, a été maintenu et même renforcé pendant plusieurs
décennies de « paix ».
En
réalité, cette comparaison restreinte n’est même pas
exacte : le « totalitarisme » était en fait beaucoup plus poussé
en Russie pendant la guerre civile qu’en France pendant la Terreur.
Conclusion
Conclusion
On
peut maintenant aborder le problème sous un autre angle : en quoi cette
période révolutionnaire française de 1792-1794 pourrait-elle être prémonitoire
du régime stalinien en URSS, voire du « totalitarisme » en général
(communiste, nazi et fasciste), comme le prétendent un certain nombre d'historiens et pseudo-historiens ?
A venir
*Le « totalitarisme »
et la Révolution française
Création : 27 août 2019
Mise à jour :
Révision : 30 août 2019
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 63. Une erreur récurrente à propos de la Révolution française
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2019/08/une-erreur-recurrente-propos-de-la.html
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