samedi 31 août 2019

QH 64. La Révolution française selon Jean-François Kahn

Quelques remarques sur un énoncé de JFK à propos de la 1ère République


Classement : histoire ; France ; révolution française ; 1793




Référence
*Jean-François Kahn, « Le pluralisme, ce scandale ! », Marianne n° 1172, 30 août 2019, page 6

L’auteur
JFK, né en 1938, est écrivain, journaliste et homme de presse, d’orientation « centre gauche ».

Texte
Dans sa chronique hebdomadaire, JFK parle des agressions subies par des élus en raison d’un vote émis ou d’une décision prise par eux. Il écrit alors :
« C’est cela, la démocratie ? Non, c’est sa rature. Son déni. Il y a, dans notre histoire, une date clé, bien que méconnue : le 2 juin 1793. La France était dotée de sa première Assemblée, la Convention nationale, élue au suffrage universel (masculin). La majorité était de centre gauche (les Girondins !). Or l’extrême gauche jacobine, soutenue en coulisse par l’extrême droite monarchiste, qui jouait la politique du pire, fit envahir le Parlement et obtint, sous la menace, qu’en soient exclus ceux qui n’avaient pas voté comme les « bonnets rouges » l’exigeaient. Ce fut le déclic qui enclencha le processus de la Terreur puis, en réaction, le triomphe de la Contre-Révolution. »

Analyse
Le moins qu’on puisse dire est que cette présentation des événements de juin 1793 contient quelques erreurs et est aussi légèrement biaisée.
De nombreuses erreurs
* « la majorité était de centre gauche (les Girondins !) » : la majorité était formée par des centristes républicains (donc décalés par rapport à l'ensemble du pays), et il y avait deux minorités agissantes, les Girondins, plus libéraux (plus à « droite »), et les Montagnards, plus révolutionnaires (plus à « gauche »)
*« l’extrême gauche jacobine, soutenue en coulisse par l’extrême droite monarchiste » : le rôle des monarchistes dans l’insurrection du 2 juin 1793 reste à étayer
* « le Parlement » : dénomination inappropriée pour l’époque !
* « qu[e] soient exclus ceux qui n’avaient pas voté comme les « bonnets rouges » l’exigeaient » : en fait, les « exclus » ont été « décrétés d’arrestation » et par la suite nombre d’entre eux ont été condamnés et exécutés (Vergniaud, Condorcet, etc.)
* « puis, en réaction, le triomphe de la Contre-Révolution » : à proprement parler, la « Contre-Révolution » triomphe en 1815 à la chute de Napoléon.

Une présentation biaisée de l'histoire de la Convention
L’erreur la plus importante de la part de JFK est de présenter la Convention comme une assemblée élue dans des conditions tout à fait normales et régulières, alors qu’elle est issue de l’insurrection du 10 août 1792, qui entraîne l’arrestation de Louis XVI, la formation de la Commune insurrectionnelle à Paris, puis la dissolution de l’Assemblée législative et l’élection d’une nouvelle Constituante ; au suffrage universel masculin, certes, mais avec un taux d’abstention énorme. La Convention étant issue de l'insurrection, il n’est pas totalement incompréhensible que les insurgés de 1792 (les « sans-culottes ») aient pu avoir par la suite des exigences sur une assemblée qu’ils avaient contribué à créer ! Il ne faut pas non plus oublier que le mois de septembre 1792 a été marqué par les massacres dans les prisons (plusieurs milliers de morts).
Jusqu’en juin 1793, les Girondins sont en position dominante à la Convention, mais leur politique entraîne des tensions avec les sans-culottes parisiens, tensions qui se dénouent lors de l’insurrection du 2 juin avec un passage du pouvoir aux Montagnards.
Ce processus est évidemment complètement anormal, mais se déroule dans une période d’anormalité politique qui a commencé en 1789. Cela n’a rien à voir politiquement avec les actuelles attaques de permanences de députés.



Création : 31 août 2019
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 64. La Révolution française selon Jean-François Kahn
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2019/08/la-revolution-francaise-selon-jean.html








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