Quelques
remarques sur un énoncé de JFK à propos de la 1ère République
Classement : histoire ;
France ; révolution française ; 1793
Référence
*Jean-François
Kahn, « Le pluralisme, ce scandale ! », Marianne n° 1172, 30
août 2019, page 6
L’auteur
JFK, né
en 1938, est écrivain, journaliste et homme de presse, d’orientation
« centre gauche ».
Texte
Dans sa chronique hebdomadaire, JFK parle des agressions subies par des élus en
raison d’un vote émis ou d’une décision prise par eux. Il écrit alors :
« C’est
cela, la démocratie ? Non, c’est sa rature. Son déni. Il y a, dans notre
histoire, une date clé, bien que méconnue : le 2 juin 1793. La France
était dotée de sa première Assemblée, la Convention nationale, élue au suffrage
universel (masculin). La majorité était de centre gauche (les Girondins !).
Or l’extrême gauche jacobine, soutenue en coulisse par l’extrême droite
monarchiste, qui jouait la politique du pire, fit envahir le Parlement et
obtint, sous la menace, qu’en soient exclus ceux qui n’avaient pas voté comme
les « bonnets rouges » l’exigeaient. Ce fut le déclic qui enclencha
le processus de la Terreur puis, en réaction, le triomphe de la
Contre-Révolution. »
Analyse
Le
moins qu’on puisse dire est que cette présentation des événements de juin 1793
contient quelques erreurs et est aussi légèrement biaisée.
De
nombreuses erreurs
* « la
majorité était de centre gauche (les Girondins !) » : la
majorité était formée par des centristes républicains (donc décalés par rapport à l'ensemble du pays), et il y avait deux minorités agissantes, les
Girondins, plus libéraux (plus à « droite »), et les Montagnards, plus
révolutionnaires (plus à « gauche »)
*« l’extrême
gauche jacobine, soutenue en coulisse par l’extrême droite
monarchiste » : le rôle des monarchistes dans l’insurrection du 2
juin 1793 reste à étayer
* « le
Parlement » : dénomination inappropriée pour l’époque !
*
« qu[e] soient exclus ceux qui n’avaient pas voté comme les « bonnets
rouges » l’exigeaient » : en fait, les « exclus » ont
été « décrétés d’arrestation » et par la suite nombre d’entre eux ont
été condamnés et exécutés (Vergniaud, Condorcet, etc.)
* « puis,
en réaction, le triomphe de la Contre-Révolution » : à proprement
parler, la « Contre-Révolution » triomphe en 1815 à la chute de
Napoléon.
Une
présentation biaisée de l'histoire de la Convention
L’erreur
la plus importante de la part de JFK est de présenter la Convention comme une
assemblée élue dans des conditions tout à fait normales et régulières, alors
qu’elle est issue de l’insurrection du 10 août 1792, qui entraîne l’arrestation
de Louis XVI, la formation de la Commune insurrectionnelle à Paris, puis la
dissolution de l’Assemblée législative et l’élection d’une nouvelle
Constituante ; au suffrage universel masculin, certes, mais avec un taux
d’abstention énorme. La Convention étant issue de l'insurrection, il n’est pas
totalement incompréhensible que les insurgés de 1792 (les
« sans-culottes ») aient pu avoir par la suite des exigences sur une
assemblée qu’ils avaient contribué à créer ! Il ne faut pas non plus
oublier que le mois de septembre 1792 a été marqué par les massacres dans les
prisons (plusieurs milliers de morts).
Jusqu’en
juin 1793, les Girondins sont en position dominante à la Convention, mais leur
politique entraîne des tensions avec les sans-culottes parisiens, tensions qui
se dénouent lors de l’insurrection du 2 juin avec un passage du pouvoir aux
Montagnards.
Ce
processus est évidemment complètement anormal, mais se déroule dans une période
d’anormalité politique qui a commencé en 1789. Cela n’a rien à voir politiquement
avec les actuelles attaques de permanences de députés.
Création : 31 août 2019
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 64. La Révolution française selon Jean-François Kahn
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2019/08/la-revolution-francaise-selon-jean.html
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