Quelques
remarques sur les noms anciens et actuels des chefs-lieux de cités des provinces gauloises de l’Empire romain
Classement : histoire ; Gaule ; Gaule romaine ; Empire romain ; topnymie
Ceci
est un développement de la page Les cités de Gaule romaine a) Les
trois Gaules,
dans laquelle je fournis une liste des cités des provinces gauloises à l’époque
julio-claudienne, en référence au livre de Robert Bedon (Les Villes des
trois Gaules de César à Néron dans leur contexte historique, territorial et
politique).
INTRODUCTION
La conquête de la Gaule par les
Romains
La
Gaule du sud-est a été conquise vers – 120 et est devenue la province de
Narbonnaise, divisée en une vingtaine de cités.
Le
reste l’a été entre – 58 et – 52 par César, formant d’abord une province
unique, divisée en – 12 en trois provinces (Lyonnaise, Aquitaine, Belgique),
les « trois Gaules » (Tres
Galliae) avec au total un peu plus de 60 cités (la liste de Robert Bedon
est de 64).
Les chefs-lieux
des cités des trois Gaules
Lyon
n’apparait pas dans ces listes, car la ville n’est pas chef-lieu de cité, bien
que chef-lieu de la province de Gaule, puis chef-lieu de la province de
Lyonnaise et centre politique des trois Gaules.
Nom
ancien et nom actuel
Si
on considère le nom actuel de ces chefs-lieux, on constate facilement qu’il
dérive ou bien du nom ancien (Burdigala
> Bordeaux), ou bien du nom de la cité (Namnetes
> Nantes).
Ce
dernier phénomène est un fait bien connu (cf. Charles Rostaing, Les Noms de lieux, PUF, « Que
Sais-Je », 1969, page 46 : « Enfin, bien que le phénomène ne se
soit produit que vers le IVe siècle après J.-C., il convient de mentionner ici les
noms de ville provenant des noms des « civitates » dont elles étaient
le chef-lieu […] »), que cette page a pour but d’étudier de façon plus
détaillée.
Un
détail orthographique intéressant est que presque toutes ces villes ont conservé un –s
final (Nantes, Poitiers, etc.) qui est en fait un reliquat de la marque du
pluriel du nom du peuple (Namnetes, Pictones, etc.).
Présentation
des listes
Outre
les noms anciens et actuels des chefs-lieux, j’indique éventuellement le nom
d’un territoire associé, lorsque ce nom présente un intérêt toponymique :
par exemple : Bituriges / Bourges / Berry) ; en revanche, je
n’indique pas un tel nom lorsqu’il dérive manifestement du nom actuel de la
ville (par exemple : Beauvaisis).
Je
mets les noms actuels en gras s’ils viennent du nom de la cité ; en gras
et italique, s’ils viennent du nom ancien.
Le
signe « + » indique que la ville a été dès l’Antiquité (et est parfois
encore) un siège épiscopal (ou archiépiscopal), le signe x qu’elle ne l’a pas
été.
Noter
que l’Aquitaine romaine était beaucoup plus étendue que l’Aquitaine d’avant la
conquête, qui s’arrêtait à la Garonne, d’où la division en deux de la liste
concernant cette province.
LISTE
DES CITES PAR PROVINCE
A) Province d’Aquitaine
a) cités de l’Aquitaine primitive
1) Auscii Elimberrum Auch +
2) Bigerri Bigorra Saint-Lézer x Bigorre
3) Bituriges
Vivisci Burdigala Bordeaux
+
4) Boiates Boii/Boias Lamothe x
5) Elusates Elusa Eauze
+
6) Lactorates Lactora Lectoure
+
7) Tarbelli Aquae
Tarbellicae Dax +
8) Tarusates Atura Aire-sur-l’Adour
+
Noms anciens
Indigènes : 7 ;
latin : 1 ; mixte : 0 ; total : 8
Noms actuels
Nom de la cité : 1 ; nom
ancien : 5 ; ni l’un, ni l’autre : 2 ; total : 8
On
remarque que dans 5 cas, le nom du peuple dérive du nom de la cité (Lactora >
Lactorates / Lectoure) ; mais un élément intéressant est l’absence dans le
nom actuel de la marque du pluriel, ce qui indique que, par exemple,
« Lectoure » vient de « Lactora » et non pas de
« Lactorates ».
On
remarquera que le nom de « Bordeaux » a été indûment doté en français
d’une marque de pluriel (ainsi qu’en espagnol : « Burdeos »),
qui n’existe pas en gascon (« Burdeu »), ni par exemple, en breton
(« Bourdel »).
b) cités du sud de l’ancienne
Celtique
9) Arverni Augustonemetum Clermont-Ferrand
+ Auvergne
10) Bituriges
Cubi Avaricum Bourges + Berry
11) Cadurci Divona Cahors + Quercy
12) Convenae Lugdunum
Convenarum St-Bertrand +
Comminges
13) Gabales Anderitum Javols (évêché ?)
14) Lemovices Augustoritum Limoges + Limousin
15) Nitiobriges Aginnum Agen +
16) Petrocorii Vesunna Périgueux + Périgord
17) Pictones Lemonum Poitiers + Poitou
18) Ruteni Segodunum Rodez + Rouergue
19) Santones Mediolanum Saintes + Saintonge
20) Vellavi Ruessio Saint-Paulien
+ Velay
Noms anciens
Indigènes : 11 ;
latin : 0 ; mixte : 1 ; total : 12
Noms actuels
Nom de la cité : 8 ; nom
ancien : 1 ; ni l’un, ni l’autre : 3 ; total : 12
B) Province de Lyonnaise
1) Abrincates Legedia Avranches +
2) Aedui Augustodunum Autun
+
3) Andecavi Iuliomagus Angers + Anjou
4) Aulerci
Cenomani Vindinum Le Mans* + Maine
5) Aulerci
Diablintes Noviodunum Jublains x
6)) Aulerci
Eburones Mediolanum Évreux +
7) Baiocasses Augustodurum Bayeux + Bessin
8) Caleti Iuliobona Lillebonne x Pays
de Caux
9) Carnutes Autricum Chartres +
10) Coriosolites Fanum
Martis Corseul* x
11) Lexovii Noviomagus Lisieux +
12) Meldi Iatinum Meaux +
13) Namnètes Condevicnum Nantes +
14) Osismi Vorgium Carhaix
x
15) Parisii Lutetia Paris +
16) Riedones Condate
Riedonum Rennes +
17) Segusiavi Forum
Segusiavorum Feurs x Forez
18) Senones Agedincum Sens +
19) Tricasses Augustobona Troyes +
20) Turones Caesarodunum Tours + Touraine
21) Unelli Crociatonum Carentan x
22) Veliocasses Rotomagus Rouen +
23) Veneti Darioritum Vannes +
24) Viducasses Araegenuae Vieux* x
Note
*Le Mans : La dérivation est un peu particulière (cf. Rostaing, Les Noms de lieux) : Cenomanos > Celmans > Le Mans (cel- étant interprété incorrectement comme un démonstratif et transformé en article)
Noms anciens
*Le Mans : La dérivation est un peu particulière (cf. Rostaing, Les Noms de lieux) : Cenomanos > Celmans > Le Mans (cel- étant interprété incorrectement comme un démonstratif et transformé en article)
Noms anciens
Indigènes : 16 ;
latins : 2 ; mixtes : 6 ; total : 24
Noms actuels
Nom de la cité : 18 ; nom
ancien : 5 ; ni l’un, ni l’autre : 1 ; total : 24
C) Province de Belgique
1) Ambiani Samarobriva Amiens +
2) Atrebates Nemetacum Arras + Artois
3) Bellovaci Caesaromagus Beauvais +
4) Helvetii Aventicum Avenches*x
5) Leuci Tullum Toul +
6) Lingones Andemantunum Langres +
7) Mediomatrici Divodurum Metz +
8) Menapii Castellum Menapiorum Cassel*
x
9) Morini Tarvanna Thérouanne*
+
10) Nervii Bagacum Bavay*
x
11) Rauraci Augusta
Raurica Augst
x
12) Remi Durocortorum Reims +
13) Sequani Vesontio Besançon
+
14) Silvanectes Augustomagus Senlis +
15) Suessiones Augusta
Suessionum Soissons +
16) Treveri Augusta
Treverorum Trèves/Trier +
17) Triboci Brocomagus Brumath*
x
18) Tungri Atuatuca Tongres/Tongeren* +
19) Ubii Colonia
Agrippinensis Cologne/Köln +
20) Viromandui Augusta Viromanduorum Saint-Quentin
x
Noms anciens
Indigènes : 12 ;
latins : 6 ; mixtes : 2 ; total : 20
Noms actuels
Nom de la cité : 10 ; nom
ancien : 9 ; ni l’un, ni l’autre : 1 ; total : 20
ANALYSES
1)
analyse des noms anciens
Il
s’agit ici des noms « courants » ; en effet, les noms officiels
étaient plus longs, faisant référence à la cité concernée et ajoutant des
détails sur le statut de la ville : par exemple, Lyon était couramment
appelée Lug(u)dunum, mais le nom officiel était, au départ : « Colonia Copia Felix Munatia Lugudunum » ;
pour Cologne, la localité fondée à cet endroit a d’abord été appelée « Ara
Ubiorum », puis, ayant été promue colonie par Agripinne, « Colonia
Claudia Ara Agrippinensium »
Si
on considère la morphologie, les noms sont latinisés, mais ce n’est pas le cas
du point de vue de l’étymologie : on trouve des noms purement latins (Colonia Agrippinensis, Augusta, Castellum, etc.), des noms purement
indigènes (généralement gaulois : Samarobriva,
Rotomagus, ou autre : Elimberrum) et des noms mixtes
associant un anthroponyme romain (référence à la famille impériale) et un terme
indigène, généralement gaulois (Augustonemetum,
Juliobona, Caesaromagus).
Répartition numérique
Ancienne Aquitaine
Indigènes : 7 ;
latin : 1 ; mixte : 0 ; total : 8
Sud de l’ancienne Celtique
Indigènes : 11 ;
latin : 0 ; mixte : 1 ; total : 12
Lyonnaise
Indigènes : 16 ;
latins : 2 ; mixtes : 6 ; total : 24
Belgique
Indigènes : 12 ;
latins : 6 ; mixtes : 2 ; total : 20
Total
Indigènes :
46 ; latins : 9 ; mixtes 9 ; total : 64
Dans
ce domaine, les Romains (qui contrôlaient certainement la toponymie des chefs-lieux de cités) n’ont pas
imposé la romanisation : même une ville de création romaine
peut porter un nom en partie gaulois (Autun/Augustodunum).
À suivre
*Analyse
des noms actuels
*La substitution
de noms de cité aux noms de ville
Création : 4 septembre 2019
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 65. Les cités de Gaule romaine b) Les noms des chefs-lieux
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2019/09/cites-gaule-romaine-b-les-noms-des.html
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