mardi 28 avril 2020

86. La Suisse et les Alpes d'Andersen 2. Contextes historique, géographique et social

Quelques remarques à propos du conte La Vierge des glaciers de Hans Christian Andersen


Classement : littérature ; Andersen ; Suisse ; XIXème siècle




Ceci est la suite de la page La Suisse et les Alpes dans le conte d'Andersen La Vierge des glaces, dans laquelle je présente ce conte et les protagonistes (réalistes et fantastiques) du récit.

Référence
*Hans Christian Andersen, « La vierge des glaciers », dans Contes, Paris, Garnier-Flammarion, 1970, pages 215-308
Le conte original (danois) a été publié en 1861.

Présentation
Le récit se déroule en Suisse, dans les cantons du Valais, de Berne et de Lausanne, au milieu du XIXème siècle.
C’est l’histoire d’un garçon, Rudy, qui a échappé de peu à la Vierge des glaces quand il avait deux ans et dont elle réussit à s’emparer quand il en a vingt, la veille du jour de son mariage.

Contexte historique
À la dernière page du récit, Andersen, qui se réfère « aux guides touristiques »,  date la mort de Rudy de 1856.
Il donne plusieurs références événementielles vagues : « le chemin de fer est loin d’être terminé » (en tout cas il n’a pas atteint le Valais) (page 247) ; « on posait les rails de fer » (page 282) ; Rudy « prend l’omnibus » (page 268).
L’oncle de Rudy évoque son enfance qu’il situe au moment où les soldats français se trouvaient dans le Valais (à partir de 1798), notamment la construction par l’armée française de la route du Simplon (1801-1805).

Un point intéressant concerne l’alphabétisation : les principaux protagonistes sont capables de lire et d’écrire : de façon explicite Rudy, sa mère, son grand-père.
Andersen n’évoque cependant aucune scolarisation de Rudy, notamment quand il vit chez son grand-père ; dans le Valais, une des jeunes filles qu'il connaît est « la fille du maître d'école ». En tout cas, il semble donc normal à Andersen que ses personnages soient alphabétisés, ce qui ne prouve rien sur la situation réelle dans ces régions de Suisse vers 1850.

Andersen évoque aussi le tourisme, qui est déjà notable dans le Valais (l’oncle est chasseur et guide) et encore plus à Grindelwald (vente par un assez grand nombre d’enfants d’objets de bois taillés par les parents), ainsi que la villégiature (la marraine de Babette vient régulièrement d'Angleterre à Montreux). Sur ce point on peut admettre qu'Andersen décrit une réalité constatable à son époque.

Un point particulier, qui n’a pas d’importance (à première vue) pour le récit : le grand-père raconte à Rudy « les histoires des temps lointains et les traditions du pays de Meiringen, où le vieillard était né, pays envahi anciennement par un peuple venu de l’extrême Nord et de la race des Suédois ». Contrairement à l’impression produite par le texte, la commune de Meiringen est contiguë à celle de Grindelwald ; le village se trouve dans la vallée de l’Aar (avant qu’il atteigne le lac de Bienne), juste au nord de la vallée de la Lutschine de Grindelwald, à 6 km à vol d’oiseau. En ce qui concerne « l’origine suédoise » des habitants de Meiringen, il existait réellement une légende locale du district d’Oberhasli, recueillie en 1846 par un érudit, Johann Georg Kohl (1808-1878) (voir page Wikipédia District d’Oberhasli).

Contexte géographique
Andersen évoque d’une part les cantons du Valais et de Vaud : vallée du Rhône, lac Léman, le château de Chillon ; d’autre part le canton de Berne : la commune de Grindelwald, les Lutschine, Interlaken où a lieu une fête des chasseurs.

Un lieu important du récit est l’îlot, cause de la mort de Rudy, qu’il décrit de la façon suivante (page 286) : « un peu en arrière [de Montreux, du château de Chillon], à peu de distance de l’endroit où le Rhône se précipite dans le lac, se trouve un îlot si petit, que de la côte, on le prend pour une barque » correspond à l’Île-de-Peilz (commune de Villeneuve), située à 500 m du rivage, face à l’embouchure d’un petit cours d’eau, l’Eau Froide. Andersen reprend en les modifiant deux éléments du folklore local :  « Ce n'était, il y a cent ans, qu'un rocher. Une belle dame y fit porter de la terre et planter trois acacias. » (la tradition évoque un aménagement daté sans preuves de 1797) et le thème du fiancé noyé, (dans la tradition, les fiancés sont anglais).

Un élément géographique subit une modification notable, sans doute pour les besoins de la construction littéraire : l’itinéraire du Valais à Grindelwald
Quatre voyages (à pied) ont lieu sur ce trajet : Rudy âgé de 2 ans et sa mère vers Grindelwald ; 6 ans plus tard, Rudy et ses guides vers le Valais ; une dizaine d’années plus tard, Rudy seul vers Interlaken via Grindelwald, puis retour au bout de quelques jours.
À chaque fois, Andersen indique que les voyageurs passent « par le col de la Gemmi », mais il situe celui-ci comme s’il constituait l’accès montagnard à Grindelwald (page 252 : « Rudy passa la Gemmi pour aller à Grindelwald […]. Il dépassa les points culminants de la route et s’approcha des pâturages de la vallée où il avait passé son enfance »).
Le véritable col de la Gemmi (2300 m d’altitude) ne donne pas accès à Grindelwald. Il permet de passer de la vallée de la Dala (affluent du Rhône) à une vallée qui mène au lac de Thoune et à Interlaken ; de là il faut remonter la vallée de la Lutschine vers Grindelwald. Si on voulait passer directement de la vallée de la Lonza (affluent du Rhône) à celle de Grindelwald, il faudrait marcher longtemps en très haute montagne et notamment franchir la crête entre le Schreckhorn et le Mittelhorn.
Andersen décrit effectivement son « col de la Gemmi » comme un lieu dangereux : champs de neige, glaciers, y compris en été ; c’est d’ailleurs là que la mère de Rudy meurt dans une crevasse. Il utilise le nom d’un lieu un peu connu pour désigner un autre lieu, beaucoup plus dangereux et probablement inaccessible pour une femme avec un enfant de 2 ans.

Noms de lieux cités de façon occasionnelle
*217 : le Schreckhorn (sommet au-dessus de Grindelwald)
*217 : le Wetterhorn (sommet au-dessus de Grindelwald)
*222 : Oberland (et, p. 223 : Oberland bernois)
*222 : cascade du Staubback (Staubbach Rall) à Lauterbrunnen (au sud de Grindelwald)
*225 : Helvétie

Contexte social
Andersen évoque plusieurs catégories sociales : paysans/artisans suisses engagés dans des activités liées au tourisme (le grand-père, l’oncle) ; Rudy, quittant le grand-père de Grindelwald pour l’oncle du Valais, constate une plus grande aisance. Cet oncle a une certaine expérience des voyages dans le monde extérieur : il connaît la France (Lyon) et s’est marié avec une Française. C'est un admirateur de la France napoléonienne.
Le meunier de Bex représente une catégorie supérieure, mais toujours dans le cadre de la société traditionnelle.
Le père de Rudy, conducteur de diligence, est un élément de relative modernité, mais joue une rôle marginal dans le récit, mourant au début de la vie de son fils.
Les villégiateurs anglais représentent une catégorie extérieure et totalement différente par sa richesse et son champ d’action, dont la présence peut générer des conflits (flirt d’un jeune Anglais avec Babette).
Andersen note aussi la présence dans le Valais (pas à Grindelwald) d'assez nombreux « crétins », mais notamment à travers le personnage de Saperli, il se montre plutôt bienveillant à leur égard.

A venir
*Résumé du conte

Articles de Wikipédia consultés et mis au point pour la rédaction de cette page :
*Meiringen
*Grindelwald
*col du Simplon
*col de la Gemmi
*Île-de-Peilz
*Eau Froide



Création : 28 avril 2020
Mise à jour : 8 mai 2020 (noms de lieux cités occasionnellement)
Révision : 
Auteur : Jacques Richard
Blog : Territoires
Page : 86. La Suisse et les Alpes d'Andersen 2. Contextes historique, géographique et social
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2020/04/la-suisse-dandersen-2-contextes.html








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