lundi 25 mai 2020

QH 78. François de Trenck 3. Origines de la famille Trenck

Quelques remarques sur une personnalité du XVIIIème siècle


Classement :




Ceci est la suite des pages
*A propos du baron François de Trenck, dans laquelle je présente le contexte historique et donne les indications bibliographiques le concernant ;
*François de Trenck 2. Date et lieu de naissance, dans laquelle j’analyse les problèmes posés par l’énoncé usuel « il est né en 1711 à Reggio de Calabre ».

Biographie rapide du baron de Trenck
François de Trenck est un noble autrichien, un officier qui a servi la Russie (1737-1739), mais surtout l’Autriche, notamment au début du règne de Marie-Thérèse, pendant la guerre de Succession d’Autriche, à la tête d’une unité de « pandoures », soldats dont le comportement, comme celui de leur chef, paraissait « excessif », même pour l’époque. Emprisonné, il se suicide en 1749.

Je traite ci-dessous d’un second point discutable parmi ceux qui sont énoncés par les pages Wikipédia le concernant :
*en allemand : « Franz von der Trenck » (lien)
*en anglais : « Baron Franz von der Trenck » (lien)
*en hongrois : « Franz von der Trenck » (lien)
*en croate « Franjo Trenk » (lien)
La page en français : « Franz de Trenck » (lien), sur laquelle je travaille depuis un moment, est presque entièrement dérivée de ces quatre pages.
Pour cette critique, je me servirai notamment des mémoires de son cousin Frédéric de Trenck (1726-1794), dont le tome III contient une « Histoire de François de Trenck… pour servir de suite à ses mémoires ».
*Mémoires de Frédéric, baron de Trenck, traduits par lui-même sur l'original allemand..., Strasbourg, Treuttel, et Paris, Onfroy, 1789
**Tome III (lien)

2) Les origines de la famille de Trenck
a) Une famille « prussienne de Poméranie » ?
Selon la page Wikipédia en allemand, la seul qui parle de ce détail, il s’agit d’une famille « prussienne de Poméranie » :
« Sein Vater Johann Heinrich von der Trenck war ein preußischer Adeliger aus Pommern » 
Traduction
« Son père, Jean Henri de Trenck, était un noble prussien de Poméranie ».

b) Le contexte géopolitique : « Poméranie » et « électorat de Brandebourg »
D'une façon générale, à partir du XVIIème siècle, on distingue la Poméranie (Slupsk, Gdynia, Gdansk/Danzig) et la Poméranie occidentale (Stralsund, Szczecin/Stettin, Kołobrzeg/Kolberg).

c) Le contexte géopolitique : « Prusse » et « électorat de Brandebourg »
A l’heure actuelle, notamment en France, on a tendance à identifier « la Prusse » avec le « royaume de Prusse », tel qu’il a existé du règne de Frédéric II à la fin du IIème Reich (1918), pendant la Révolution française (Valmy) et l’Empire (Blücher),puis au XIXème siècle, pendant le processus de l'unité allemande (Bismarck et Guillaume 1er).
Si on se reporte au début du XVIIIème siècle, la situation n’était pas la même et on peut penser que Frédéric de Trenck pense à ce qu’il en était au moment de sa peopez jeunesse, quand il existait une distinction encore nette entre « l’électorat de Brandebourg » (capitale Berlin) et « la Prusse » (capitale Königsberg) dont le statut était en cours d’évolution. Un des points importants est que le Brandebourg faisait partie du Saint-Empire, alors que la Prusse relevait de la couronne de Pologne.
Quand Frédéric de Trenck écrit « en Prusse », il pense probablement à Königsberg, pas du tout à Berlin. Dans ce texte, « la Prusse » c’est ce qui a été ensuite connu comme la « province de Prusse-orientale ».
Il s’agissait en fait d’un avatar de l’ancien domaine des Chevaliers Teutoniques (le nom de « Prusse » venant de celui de la population originelle, slave, des Prusses ou Borusses), sécularisé au moment de la Réforme au profit du grand-maître de l’ordre et devenu « duché de Prusse » (capitale Königsberg).
En 1618, le duché de Prusse tombe par succession aux mains de l’électeur de Brandebourg, Jean III Sigismond. Puis, en 1701, l’électeur Frédéric-Guillaume III se couronne « roi » à Königsberg. Mais pour autant la Prusse ne devient pas vraiment un « royaume », car Frédéric-Guillaume, du point de vue de l'Empire (très formel certes) n’est que « roi en Prusse » : ce n’est qu’en 1772 que Frédéric II obtiendra le droit de porter le titre de « roi de Prusse »..
L’année 1772 est aussi celle du premier partage de la Pologne, au terme duquel l’électorat de Brandebourg acquiert des territoires polonais (Cujavie) qui deviennent la province de « Prusse occidentale » tandis que la Varmie est intégrés à la province de « Prusse-Orientale » ; mais malgré ces références à l’ancien état des choses, prévaut l’application de la formule « royaume de Prusse » à l’ensemble des possessions de Frédéric II.

Le nord du royaume de Pologne avec le duché de Prusse et le grand-duché de Lituanie avec la Courlande (XVIIème siècle). La principauté épiscopale de Varmie (Frombork/Frauenburg, Olsztyn/Allenstein, Braniewo/Brauenberg) est une quasi enclave polonaise dans le duché de Prusse.

c) la formule « famille prussienne de Poméranie » doit donc être prise avec précaution
Cette formulation renvoie à la conception récente de la Prusse, postérieure à 1772. Vers 1700, la Poméranie ne fait pas partie de la « Prusse », même si elle en est proche (Danzig, ville poméranienne, se trouve sur la rive droite du delta la Vistule, la Prusse commence sur la rive gauche).

d) Une famille « prussienne » ou « poméranienne » ?
Un épisode de la vie de Frédéric de Trenck indique qu’en 1753, il est « revenu à Danzig pour affaires de famille », ce qui a permis son arrestation sur ordre de Frédéric II, bien que Danzig (Gdansk) n’appartînt pas ni à l’électeur de Brandebourg, ni au « roi en Prusse ».
Par ailleurs, dans son « Histoire de François de Trenck », son cousin Frédéric écrit (pages 1 et 2) : « Trenck le père s’appelait Jean ; il était frère de mon père, et né comme lui à Koenisberg* en Prusse. Notre famille y est généralement connue, et, depuis l’époque de la création de l’Ordre Teutonique, elle y possède des biens. La mère de François était née Kettler en Courlande* ; j’ignore de quelle famille elle descendait. Par ses aïeux paternels et maternels, le Trenck dont j’écris l’histoire était un noble chapitrable*, et tout deux nous avions un grand père en Prusse. Ainsi il ne devait pas le jour à un brigand de l’Esclavonie*, comme de lâches ennemis l’avaient répandu à Vienne. »
Notes
*Koenisberg : Königsberg (aujourd'hui Kaliningrad, en Russie), capitale du duché de Prusse, puis de la province de « Prusse orientale ».
*Courlande : le duché de Courlande, principauté balte (avec à l’époque un forte peuplement allemand important) située sur la rive gauche de la Daugava et du golfe de Riga (aujourd'hui en Lettonie ; villes principales : Jelgava/Mittau, Liepaja/Libau, Ventspils/Windau)
*noble chapitrable : cette expression traduit le mot allemand Stiftsadel composé de Stift (neutre : « donation », et par extension, « institution fondée sur une donation ») et de Adel « noble ?? ») ; Stiftsadel se réfère généralement aux nobles pouvant accéder à un chapitre cathédral ou à une institution analogue (Ordre Teutonique, par exemple).
*Esclavonie : province croate plus couramment appelée Slavonie (villes principales : Osijek, Vukovar)

Frédéric de Trenck semble donc rattacher la famille de Trenck plutôt à la Prusse (de l’époque, la « Prusse orientale ») qu’à la Poméranie ; non seulement les deux frères, Jean Henri* et Christophe* von der Trenck, soient nés à Königsberg, mais en évoquant « l’Ordre Teutonique », il veut montrer que c’est une famille assez ancienne de la mouvance des chevaliers.

e) Les ascendants de François et Frédéric de Trenck
1) Le père de François 
C’est Jean Henri de Trenck (Johann Heinrich von der Trenck, 1664-1743)
Note
*1664 : cette date est donnée dans l’ouvrage de Maria Stuiber et Michele Spadaccini (dir.), Bausteine zur deutschen und italienischen Geschichte: Festschrift zum 70. Geburtstag von Horst Enzensberger, Bamberg, University of Bamberg Press, 2014..page 372 (lien) :
« Trenck selbst wurde 1711 in Reggio di Calabria, […], wo sein Vater Johann Heinrich Freiherr von der Trenck (1664-1743) als Truppenkommandant stationiert war »

2) Le père de Frédéric
C’est Christophe de Trenck (Christoph Ehrenreich* von der Trenck, 1677-1740), général de division (Generalmajor) de l’armée prussienne, né et mort à Königsberg.
Note
*Ehrenreich : prénom, sens à préciser (Honneur de l’Empire ?)

3) Le grand-père paternel des deux cousins
On trouve (sur Internet) deux possibilités
a) Christian von der Trenck
*selon la Wikipédia en allemand : Christian Albrecht von der Treck* (mort en janvier 1708), capitaine de cavalerie au service de l’électeur de Brandebourg (Kurbrandenburgischer Rittmeister)
*selon le site Berner Geschlechter (lien) : Christian von der Trenck (Kurbrandenburgischer Rittmeister)
Notes
*Treck : ???
b) Hans Dietrich von der Trenck
*selon le site Geni (lien) : Hans Dietrich von der Trenck, mort vers 1707.
Quel que soit son nom, ce grand-père mort en 1707 ou 1708 est né entre 1630 et 1645, à une époque où le duché de Prusse était régi par les électeurs de Brandebourg, il paraît normal qu’il soit qualifié comme « capitaine brandebourgeois ».



Création : 25 mai 2020
Mise à jour :
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Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 78. François de Trenck 3. Origines de la famille Trenck
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2020/05/francos-de-trenck-3-origines-de-la.html








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