mercredi 24 juin 2020

QH 84. L'affaire Colbert 3 Résumé de l'édit de 1685

Quelques remarques sur la campagne menée en 2017 par Louis-Georges Tin contre Colbert, partiellement reprise par Jean-Marc Ayrault en 2020


Classement :




Ceci est une suite des pages
*L'affaire Colbert 1. L'acte d'accusation, dans laquelle on trouvera le texte de la pétition contre Colbert lancée par le CRAN en 2017 ;
*L'affaire Colbert 2. Défense sur la forme, dans laquelle j’étudie la question : si coupable il y a, Colbert est-il le seul et le principal ?
Je fais ci-dessous un résumé article par article de ce texte, qui en comporte 60.

Référence
*« Edit du Roi Touchant la Discipline des Esclaves Nègres des Isles de l'Amérique Française, donné à Versailles au mois de mars 1685 », publié dans Recueil d’édits, déclarations et arrests de Sa Majesté concernant l’administration de la Justice & la Police des Colonies françaises de l’Amérique, & les Engagés, Paris, MDCCXLIV (1744), page 81 à 101.
Cet ouvrage est disponible sur le site Gallica (lien à la page 81, où l'édit apparaît comme le premier édit du recueil appelé par la suite « Code noir »,.sans que cette formule soit contenue dans l’édit lui-même.

A) Plan de l’édit
Questions de religion
Article 1 : expulsion des Juifs hors des îles
Article 2 : obligation de catéchiser et baptiser les esclaves.
Article 3 à 5 : répression du protestantisme.
Articles 6 et 7 : obligation d’observer les jours fériés de l’Église catholique.
Article 8 : non reconnaissance du mariage des non-catholiques.

Mariages et d’inhumation
Article 9 : cas des hommes libres ayant eu des enfants en concubinage avec une esclave.
Articles 10 à 13 : mariage des esclaves.
Article 14 : inhumation des esclaves.

Contrôle des esclaves (articles 15 à 17)

Limite des capacités des esclaves
Articles 18 à 21 : limites de la capacité commerciale des esclaves.
Articles 28 à 31 : limites de la capacité juridique des esclaves

Obligations d’entretien des maîtres (articles 22 à 27)

Procédures criminelles contre les esclaves
Articles 32 à 41 : sanctions contre les esclaves en matière criminelle (notamment en cas de fuite, 38)
Articles 42 et 43 : pouvoir de punir des maîtres et limites de ce pouvoir.

Droit de propriété et esclavage ; procédures à suivre dans les cas saisies (articles 44 à 54). C'est la partie la plus juridique de l'édit.

Procédures d’affranchissement et statut des affranchis (articles 39 et 55 à 59)

Article 60 : affectation des amendes sans destinataires spécifiés.

B) Résumé article par article
Article 1. Les Juifs devront quitter les îles dans un délai de 3 mois après publication de l’édit.

Article 2.
a) Les esclaves devront tous être baptisés et instruits dans la religion catholique.
b) Les esclaves nouvellement achetés devront être déclarés aux autorités qui les feront instruire et baptiser.

Article 3. Interdiction de tout exercice public d’une religion autre que catholique.

Article 4. Les « commandeurs préposés à la direction des Nègres » doivent professer la religion catholique.

Article 5. Il est interdit aux protestants empêcher le culte catholique, y compris chez leurs esclaves.

Article 6.
a) Tous doivent observe les dimanches et les jours de fêtes de l’Église catholique.
b) Il est interdit de faire travailler les esclaves ces mêmes jours.

Article 7. Il est interdit de tenir le marché aux esclaves ces mêmes jours.

Article 8. Les mariages des sujets non catholiques ne seront plus reconnus et les enfants de ces unions seront considérés comme des bâtards.

Article 9.
a) Les hommes libres qui auront un enfant d’un concubinage avec une esclave seront punis d’une amende de 2 000 « livres de sucre ».
b) S’il s’agit du maître de l’esclave, celle-ci et les enfants seront confisqués au profit de l’Hôpital.
c) Aucune peine ne sera appliquée si le contrevenant (célibataire) épouse l’esclave, qui sera affranchie par le fait de ce mariage ; les enfants seront affranchis et légitimés.

Article 10. Tous les mariages auront lieu selon les formes prévues, sauf une exception : pour les esclaves seul le consentement du maître sera nécessaire.

Article 11.
a) Il est interdit aux curés de marier des esclaves sans le consentement de leur maître.
b) Il est interdit aux maîtres d’exercer des contraintes sur leurs esclaves pour les marier contre leur gré.

Article 12. Les enfants d’un mariage entre esclaves appartiendront au maître de la femme esclave.

Article 13.
a) Les enfants d’un esclave et d’une femme libre seront libres.
b) Les enfants d’une esclave et d’un homme libre seront esclaves.

Article 14.
a) Les maîtres feront inhumer les esclaves baptisés en terre sainte.
b) Les esclaves non baptisés seront inhumés dans un champ voisin du lieu de leur décès.

Article 15. Il est interdit aux esclaves de porter des armes offensives ou des gros bâtons (fouet et confiscation des armes), sauf s’ils sont envoyés à la chasse par leur maître et pourvus d’un billet.

Article 16. Il est interdit aux esclaves de différents maîtres de se réunir chez un des maîtres ou dans l’espace public (fouet et fleur de lys au minimum ; la mort en cas de récidives).

Article 17. Les maîtres qui toléreraient de telles réunions seront sanctionnés (10 écus ; 20 écus en cas de récidive).

Article 18. Il est interdit aux esclaves de vendre des cannes de sucre (fouet), même avec la permission du maître (10 livres d’amende) ; l’acheteur sera sanctionné (10 livres).

Article 19. Il est interdit aux esclaves de vendre quoi que ce soit sur le marché ou dans les maisons particulières, sauf avec la permission du maître (confiscation des marchandises au profit du maître) ; l’acheteur sera sanctionné (6 livres au profit du maître).

Article 20. Deux personnes seront préposées pour contrôler les esclaves présents sur les marchés.

Article 21. Tout sujet a le droit de confisquer lui-même (et arbitrairement) les biens transportés illégalement par des esclaves.

Article 22.
a) Les maîtres devront fournir à leurs esclaves de plus de 10 ans une quantité hebdomadaire spécifiée de nourriture.
b) Pour les esclaves de moins de 10 ans (sevrés), la quantité sera de la moitié.

Article 23. Il est interdit de donner aux esclaves de l’eau-de-vie de canne pour tenir lieu de nourriture.

Article 24. Il est interdit de se décharger du soin de nourrir les esclaves en leur accordant le droit de travailler pour leur compte une partie de la semaine.

Article 25.
a) Les maîtres devront fournir annuellement 2 habits de toile ou 4 aulnes de toile.

Article 26. Les esclaves qui ne bénéficient pas des quantités prévues pourront le signaler directement au procureur.
b) Le procureur poursuivra d’office les maîtres qui ne respectent pas leurs obligations s’ils en sont informés autrement.

Article 27.
a) Les maîtres ont l’obligation de nourrir et entretenir leurs esclaves infirmes (« par vieillesse, maladie ou autrement »).
b) Les esclaves abandonnés par leur maître seront placés à l’Hôpital et les maîtres devront lui payer 6 sous par jour.

Article 28.
a) Les esclaves ne peuvent rien posséder qui ne soit la propriété de leur maître.
b) Aucune disposition prise par un esclave relativement à ce qu’il possède n’a donc de valeur juridique.

Article 29. Questions relatives aux dettes des esclaves suite à des opérations commerciales.

Article 30.
a) Les esclaves ne peuvent exercer aucune fonction publique, et ne peuvent être agents que de leur maître.
b) Ils ne peuvent pas être arbitres ou expert, ni témoigner en justice.
c) Leurs dépositions n’ont d'intérêt que pour aider les juges à « s’éclaircir », mais n'ont pas de valeur pour soutenir une présomption, une conjecture, ou une preuve.

Article 31.
a) Les esclaves ne peuvent être ni demandeurs, ni défendeurs en matière civile, ni être partie civile en matière criminelle.
b) Seuls les maîtres peuvent agir au nom des intérêts de leurs esclaves.

Article 32.
a) En matière criminelle, les esclaves peuvent être poursuivis sans l’autorisation de leur maître.
b) La procédure en matière criminelle sera la même que pour les hommes libres.

Article 33. L’esclave qui frappe son maître, l’épouse de son maître ou les enfants de son maître soit au visage, soit en faisant couler son sang, sera puni de mort.

Article 34. Les voies de fait des esclaves contre des personnes libres seront sévèrement punies, le cas échéant jusqu'à la peine de mort.

Article 35. Les vols qualifiés seront punis de peines afflictives pouvant aller jusqu'à la mort.

Article 36. Les vols moins graves pourront être punis des verges et de la fleur de lys.

Article 37. Le maître d’un esclave qui a volé quelqu'un devra soit réparer le tort, soit céder l’esclave au demandeur.

Article 38.
a) L’esclave fugitif pendant un mois aura les oreilles coupées et sera marqué de la fleur de lys.
b) En cas de récidive, il aura le jarret coupé.
c) En cas de seconde récidive, il sera puni de mort.

Article 39. Les affranchis qui auront hébergé un esclave fugitif seront condamnés à une amende de 300 livres de sucre par jour d’hébergement au profit du maître.

Article 40. Indemnisation du maître dont un esclave a été puni de mort suite à sa dénonciation par le maître.

Article 41. Interdiction aux juges, procureurs et greffiers de prendre de « taxe » dans les procès criminels contre les esclaves (concussion).

Article 42.
a) Les maîtres peuvent faire enchaîner les esclaves et les faire battre de verges ou de cordes.
b) Il leur est interdit de les faire torturer, ou de les faire mutiler (confiscation)

Article 43.
a) Les officiers royaux devront engager des poursuites criminelles contre les maîtres ou les commandeurs qui auront tué un esclave.
b) Ils devront punir le maître selon « l’atrocité des circonstances ».
c) ils pourront absoudre un maître ou un commandeur sans en référer au roi.

Article 44. Les esclaves font partie des biens meubles (énumération des conséquences en ce qui concerne les successions : notamment, le droit d'aînesse ne s'exerce pas en ce qui les concerne)

Article 45. (voir le texte original)

Article 46. Procédure générale pour les esclaves dans le cas des saisies : la même procédure que celle applicable aux biens meubles, « aux exceptions suivantes ».

Article 47. Cas particulier des esclaves mariés et de leurs enfants impubères appartenant à un même maître (sanction : les esclaves gardés par un maître sont confisqués et remis à l'acquéreur des autres).

Article 48. Cas des esclaves travaillant dans les « sucreries, indigoteries et habitations » : les biens immeubles ne peuvent être saisis sans ces esclaves.

Article 49. Cas des esclaves travaillant dans ces établissements : les enfants d'esclaves nés pendant une période de saisie ne peuvent pas être décomptés du fermage dû par les fermiers judiciaires.

Article 50. Cas des esclaves travaillant dans ces établissements : obligation de spécifier les naissances et décès d'esclaves intervenus au cours d'une période de saisie.

Article 51. Lors du règlement des créanciers, les sommes sont réparties sans opérer de partage entre la valeur du fonds et celle des esclaves.

Article 52. Le paiement des droits féodaux et seigneuriaux est fondé seulement sur la valeur du fonds..

Article 53. (en cas de partage du fonds) les fonds issus du partage ne peuvent être pris sans les esclaves et les esclaves ne peuvent pas être retenus par l'adjudicataire.

Article 54. 
a) Les administrateurs de fonds saisis doivent traiter les esclaves « comme bons pères de famille ».
b) Dans ce cas (« sans leur faute »), ils ne sont pas redevables d'indemnités en cas de décès ; 
c) Ils ne peuvent pas garder pour eux les enfants nés pendant leur administration.

Article 55. Les maîtres ont le droit d’affranchir leurs esclaves à partir de l’âge de 20 ans, sans que leur famille puisse intervenir bien qu'ils ne soient pas majeurs.

Article 56. Les esclaves nommés légataires universels, exécuteurs testamentaires ou tuteurs des enfants du maître sont considérés comme affranchis.

Article 57. 
a) Les esclaves affranchis dans les îles françaises sont considérés comme nés dans ces îles, et donc français, même s’ils sont en réalité nés ailleurs.
b) Ils n’ont pas besoin de lettre de naturalité.

Article 58.
a) Les affranchis doivent un respect particulier à leur ancien maître, à son épouse et à ses enfants.
b) S’ils leur font injure, elle sera punie plus gravement que pour un autre.
c) Ils n’ont aucun autre devoir envers eux et les anciens maîtres ne peuvent émettre aucune revendication sur leurs personnes ou leurs biens.

Article 59. Les affranchis ont les mêmes droits et obligations que les personnes nées libres.

Article 60. Les confiscations et amendes pour lesquelles il n’a pas été spécifié de destination, reviendront pour deux-tiers aux officiers receveurs et pour un tiers à l’hôpital de l’île où elles ont été ordonnées.
À venir
*Défense sur les principes : le problème de la « justice historique rétrospective »



Création : 24 juin 2020
Mise à jour : 13 juillet 2020 (mise au point du résumé)
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 84. L'affaire Colbert 3 Résumé de l'édit de 1685
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2020/06/laffaire-colbert-3-resume-de-ledit-de.html








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