mercredi 4 novembre 2020

QH 91. Sur un mensonge des décoloniaux, de leurs compagnons de route et autres idiots inutiles

Quelques remarques sur un mensonge de la mouvance décoloniale-indigéniste à propos du Code noir


Classement :




Ceci est un compléments aux pages consacrées à « l'affaire Colbert », suscitée par une pétition promue en 2017 par les sieurs Sala-Molins et Tin (lien).

Références
*Marianne, 2 octobre 2020, page 52 : photographie présentée dans le cadre d’un article de Rachel Binhas, « Les nouveaux maîtres censeurs »
*« Edit du Roi Touchant la Discipline des Esclaves Nègres des Isles de l'Amérique Française, donné à Versailles au mois de mars 1685 », publié dans Recueil d’édits, déclarations et arrests de Sa Majesté concernant l’administration de la Justice & la Police des Colonies françaises de l’Amérique, & les Engagés, Paris, MDCCXLIV (1744), page 81 et suivantes (ouvrage disponible sur le site Gallica (lien, vue 79 et suivantes).
 
Photographie : militante décoloniale arborant une pancarte didactique
Photo publiée dans Marianne
Détail

Présentation
Cette photo nous présente une militante décolonialiste (au regard doux, touchant) arborant une pancarte (artisanale) sur laquelle sont énumérées les preuves du « racisme d’État » qui prévaut en France, selon la doxa et la propagande de cette mouvance.
Je m’intéresserai seulement à la première « preuve » de cette liste :
« 1685 : Code NOIR
Homme NOIR = meuble »
 
Analyse : quelques inexactitudes
Cet énoncé de six mots contient au moins trois erreurs (pas mal !).
1ère inexactitude
La date de 1685, qui renvoie prétendument au « Code noir », correspond en fait seulement au premier édit promulgué sur la question de l’esclavage dans les colonies françaises, intitulé « Edit du Roi Touchant la Discipline des Esclaves Nègres des Isles de l'Amérique Française, donné à Versailles au mois de mars 1685 »
Or, à cette date, il n’était pas question de « Code noir », cette formulation n'est apparue qu’au XVIIIème siècle, pour désigner les recueils d'édits sur l'esclavage (dans la terminologie chère aux progressistes radicaux, genre Decoque et Laraire, le « Code noir » serait une fiction, un artefact, une construction éditoriale).
Cette erreur est la moins grave du lot, mais elle indique assez bien le rapport que la mouvance décoloniale entretient avec les faits historiques (c'est-à-dire avec les éléments textuels disponibles)..
 
2ème inexactitude
L’édit de 1685 n’établit pas de relation entre les concepts « homme noir » et « meuble », pour la raison qu'il ne parle pas des noirs, mais des esclaves. On peut donc y trouver une relation entre les concepts « esclave » et « meuble ». En effet, l’article 44 de l’édit de mars 1685 énonce : « Déclarons les esclaves être meubles ».
Bien sûr, les esclaves des colonies françaises étaient des noirs, des personnes originaires d’Afrique noire ou descendantes de personnes originaires d’Afrique noire déportées en Amérique. En revanche, tous les noirs vivant dans les colonies françaises n’étaient pas ipso facto des esclaves, puisque, notamment l’article 55 (« Les Maîtres âgés de vingt ans pourront affranchir leurs Esclaves par tous actes entre-vifs, ou à cause de mort, sans qu’ils soient tenus de rendre raison de leur affranchissement, ni qu’ils ayent besoin d’avis de parens, encore qu’ils soient mineurs de vingt-cinq ans) prévoit la possibilité d’affranchissement des esclaves. 
Et bien sûr, il y avait en Afrique de nombreux noirs libres, dont certains participaient de façon non négligeable à la traite transatlantique !.
 
3ème inexactitude
Elle réside dans le sens à donner au mot « meuble ». Ce que veut nous dire la pancarte de la militante décoloniale, ce dont elle veut que nous nous indignions, que nous nous scandalisions, c’est que « dans le Code noir, les noirs sont considérés comme des objets d’ameublement, des chaises, des tables, ou, d’une façon plus générale, des choses ».
La formulation de l’article 44 : « Déclarons les esclaves être meubles » laisse cependant planer un doute ; nous ne lisons pas « être des meubles », mais « être meubles ». Le mot « meuble » est ici un adjectif, pas un nom. Il ne se réfère probablement pas au sens restreint du mot « meuble » (pièce d’ameublement), mais à un sens plus ancien, qui existe toujours en français, quoique pas très courant lorsque le mot est employé seul : « ce qui peut être déplacé » par opposition à « ce qui ne peut pas être déplacé » (l’immeuble). Le mot « meuble » renvoie en fait probablement à une formulation juridique : « bien meuble ».
Si on lit l’article complet : « Déclarons les Esclaves être meubles, & comme tels entrer en la Communauté, n’avoir point de suite par hypothèque, & se partager également entre les cohéritiers sans préciput, ni droit d’aînesse ; n’être sujets au douaire Coutumier, au Retrait Féodal & Lignager, aux Droits Féodaux & Seigneuriaux, aux formalités des Décrets, ni aux retranchemens des quatre Quints, en cas de disposition à cause de mort, ou testamentaire.», la probabilité devient une certitude ; il ne s’agit pas de considérations philosophiques réduisant les esclaves (et non pas les noirs) à l’état de « choses », mais de droit de la propriété.
Par définition, l’esclave est un bien, un être humain qui est la propriété d’un autre être humain. Cela suffit pour que l’esclavage soit considéré (notamment par moi) comme scandaleux et inacceptable ; il est dès lors de peu d’importance que l’esclave soit considéré comme un bien « meuble », cela ne change rien à sa condition.
 
D’autres articles de l’édit de 1685 prouvent d’ailleurs que ses auteurs ne considéraient pas les esclaves comme des choses, mais comme des êtres humains. 
Je citerai l’article 2 : « Tous les Esclaves qui seront dans nos Isles, seront bâtisés & instruits dans la Religion Catholique, Apostolique & Romaine. Enjoignons aux Habitans qui achèteront des Nègres nouvellement arrivés d’en avertir les Gouverneur & Intendant* desdites Isles dans huitaine au plus tard, à peine d’amende arbitraire, lesquels donneront les ordres nécessaires pour les faire instruire & bâtiser dans le temps convenable.»
Il est évident qu’on ne peut baptiser et instruire dans la religion catholique que des êtres humains, pas des animaux ou des choses ! Bien sûr, on pourrait reprocher à l’édit de 1685 de priver les esclaves de leur liberté de conscience, mais cela s’appliquait à tous les sujets du roi de France, blancs ou noirs, dans les colonies comme en métropole.
 
Commentaires : inexactitude ou mensonge ?
Lorsqu’il y avait encore des militants communistes, beaucoup d’entre eux étaient des gens tout à fait honnêtes et serviables, qui énonçaient en toute bonne foi de nombreuses inexactitudes à propos de l’URSS, des dirigeants soviétiques, de Staline, etc. En revanche, les dirigeants du parti, qui étaient au courant de la situation réelle, proféraient des mensonges, parce qu’on ment lorsqu’on énonce sciemment une inexactitude.
La porteuse de la pancarte sur le racisme d’État est sans doute une brave militante décolonialiste, qui croit sincèrement à l’exactitude ce qui est écrit sur sa pancarte. On peut supposer qu’elle n’a pas pris la peine de lire le « Code noir », qu’elle transmet ce qui lui a été enseigné par des gens en qui elle a toute confiance. Elle a donc une part de responsabilité, mais on ne peut pas considérer a priori qu’elle ment, malgré son éventuelle appartenance à la Brigade anti-négrophobie (la légende de la photo n'est pas très claire sur ce point).
 
La mouvance décoloniale comporte aussi des calibres intellectuels de plus haut niveau, des gens qui ont été professeur d’université (Sala-Molins) ou élève à Normale Sup (Tin), qui savent certainement que dans l’article 44 de l’édit de 1685, « meuble » ne signifie pas « pièce d’ameublement » et que le mot « meuble » ne se rapporte pas aux « hommes noirs » (ni aux « femmes noires » du reste).
La preuve qu’ils le savent, c’est qu’ils n’emploient pas cet argument dans leur pétition de 2017 contre Colbert. Ils n’en portent pas moins l'entière responsabilité de la profération d’une inexactitude dont ils ont connaissance, d’un mensonge donc.
 
Le cas de Jean-Marc Ayrault
Les choses sont plus graves dans le cas de Jean-Marc Ayrault, qui a récemment utilisé l’argument du « meuble » dans sa diatribe contre Colbert. 
La question se pose : Jean-Marc Ayrault ment-il ou profère-t-il seulement une inexactitude ? Est-il un compagnon de route ou un idiot utile ?
Je pense que son bagage intellectuel de niveau universitaire (licence d'allemand) lui permet de comprendre, s’il a lu le texte de l’article 44, que « meuble » n’y signifie pas « pièce d’ameublement ». S’il ne l’a pas lu, s’il s’est fié à des informateurs peu honnêtes (Sala-Molins ?), il n’en est pas moins entièrement responsable de l’erreur qu’on lui aurait fait commettre.

A venir
*Jean-Marc Ayrault : mémoire de l'esclavage ou falsification de l'histoire ?



Création : 4 novembre 2020
Mise à jour : 9 novembre 2020
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH91. Sur un mensonge des décoloniaux, de leurs compagnons de route et autres idiots inutiles
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2020/11/du-mensonge-chez-les-decoloniaux.html








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