mercredi 18 novembre 2020

QH 92. Portrait de Jean-Marc Ayrault en faussaire de l'histoire

Quelques remarques sur un mensonge proféré par M. Jean-Marc Ayrault à propos de Colbert et du « Code noir »


Classement :




Ceci est un complément aux pages consacrées à « l'affaire Colbert », suscitée par une pétition promue en 2017 par les sieurs Sala-Molins et Tin (lien).
 
Références
*« Edit du Roi Touchant la Discipline des Esclaves Nègres des Isles de l'Amérique Française, donné à Versailles au mois de mars 1685 », publié dans Recueil d’édits, déclarations et arrests de Sa Majesté concernant l’administration de la Justice & la Police des Colonies françaises de l’Amérique, & les Engagés, Paris, MDCCXLIV (1744), page 81 et suivantes (ouvrage disponible sur le site Gallica (lien, vue 79 et suivantes).
*France Inter, Journal de 13 heures, 14 juin 2020
 
Circonstances
Le 14 juin 2020, dans le journal de 13 heures de France Inter, est évoquée la proposition faite par Jean-Marc Ayrault, « président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage », de supprimer à l’Assemblée nationale les références à Colbert, notamment une statue présente devant le Palais Bourbon (il y aurait aussi une « salle Colbert » à l’Assemblée).
 
Qui est Jean-Marc Ayrault ?
A venir
 
Texte
Dans l’argumentaire que développe M. Ayrault, se trouve notamment une phrase indiquant que « dans l’article 44 du Code noir, les esclaves sont considérés comme des meubles » (il a expressément fait référence à cet « article 44 »).
 
Développements
Ayant travaillé sur le sujet depuis 2017 (époque de la pétition Tin-Sala-Molins contre Colbert), je sais que dans l’édit de 1685, article 44, les esclaves ne sont pas considérés comme « des meubles », mais comme « des biens meubles », ce qui change la tonalité et la signification de la phrase.
J’ai décidé de demander des explications à M. Ayrault, et pour cela, j’ai envoyé (24 juin) un message assez général à la Fondation qu’il préside, resté à ce jour sans réponse.
Le 12 octobre, j’envoie un second message, en me concentrant sur un sujet unique : la signification du mot « meuble ».
Faute de réponse, j’envoie un troisième message le 7 novembre, qui ne suscite pas plus d’intérêt, ni de la Fondation, ni de M. Ayrault.
 
Analyse
Ce refus d’établir un dialogue est à la fois une discourtoisie et l’indication de la contradiction où se trouve la Fondation : personne ne peut démontrer que mon point de vue est erroné, mais il n’est pas question de mettre en cause la parole issue de la bouche présidentielle.
Mes messages ont-ils été transmis à l’intéressé ? Certainement pas tous, peut-être aucun. Cela n’exonère pas M. Ayrault de ses responsabilités.
 
Conclusion
J’estime donc qu’ayant proféré ce qui pourrait n’être qu’une inexactitude, M. Ayrault entre, du fait de l’attitude des employés de la Fondation ou du sien propre, dans la catégorie des FAUSSAIRES DE L’HISTOIRE.
Même s’il ne s’agit que d’un « point de détail » de l’histoire de l’esclavage, nul n’est autorisé à s’affranchir des règles de l’analyse historique afin de pouvoir produire un discours de propagande mensongère et de convergence avec des groupuscules fricotant autour de la question de l’esclavage dans les colonies françaises, phénomène historique condamnable, mais pas sur le fondement de MENSONGES CARACTÉRISÉS.
 
ANNEXES : trois messages adressés à la Fondation pour la mémoire de l’esclavage
Message du 24 juin 2020
Bonjour.
Je voudrais soumettre à M. Jean-Marc Ayrault quelques faits relatifs à Colbert :
*le premier édit concernant l'esclavage dans les colonies françaises date de mars 1685 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k84479z/f79.image.r=Code+Noir.langFR).
*la formule « Code noir » date, semble-t-il du XVIIIème siècle ;
*Colbert est mort en septembre 1683 ;
*le Colbert qui a signé l'édit de mars 1685 (page 101 de l'ouvrage que j'ai utilisé) est son fils Jean-Baptiste (1651-1690) ;
*cette signature vient après celle de « Louis » (XIV) ;
*à proprement parler, le seul auteur de l'édit est Louis XIV, seule autorité législative en France à l'époque.
En ce qui concerne le contenu de cet édit (le seul auquel il ait apporté une contribution, parmi tous ceux qui formeront ensuite le « Code noir », la qualification de « meubles » (article 44) ne signifie pas que les Noirs sont des meubles, mais que du point de vue du droit de propriété, ils font partie des « biens meubles » (d'où des conséquences notamment en matière d'héritage). Le fait essentiel (inadmissible pour nous, mais légal en France jusqu’en 1794 et de 1802 à 1848) est le statut de l'esclave comme propriété d'un autre homme, la qualité de "meuble" ne constituant pas une aggravation de cette condition.
Du reste l'article II stipule que  « Tous les Esclaves qui seront dans nos Isles, seront bâtisés & instruits dans la Religion Catholique, Apostolique & Romaine », ce qui indique clairement que, légalement, ces personnes noires « meubles » peuvent et doivent être chrétiennes et qu'elles ont donc une âme. Peut-on considérer comme « criminel » cet article (même s'il n'est pas en accord avec nos principes de liberté de conscience) ? Et que penser de l'article VI qui impose le repos du dimanche et des fêtes catholiques à tous, y compris aux esclaves ? Reprochera-t-on à Colbert le fait que cet article VI ne fut, éventuellement, pas respecté par les maîtres ?
Les choses ne sont pas si simples que certains le pensent (le CRAN en 2017) et que d’autres le disent de façon très vulgaire (Franco Lollia par exemple) ?
C'est pourquoi jE pense que la transformation de Colbert (1619-1683) en bouc émissaire du passé esclavagiste de la France ne relève pas de l'histoire, mais d'une rhétorique mémorielle superficielle, qui pourrait engager un processus dangereux. Je ne vois pas en effet pourquoi, après Colbert, on ne demanderait pas la tête de Louis XIV ; et si on a « donné » Colbert, au nom de quoi refuserait-on Louis ?
Habitant d’une commune proche de Nantes, j’ai toujours approuvé le travail de mémoire sur le passé esclavagiste de ce port, travail dont M. Ayrault a été un des promoteurs ; mais en ce qui concerne la mémoire de Colbert, j’avoue que je ne peux pas le suivre.
Jacques Richard
Professeur d'histoire-géographie retraité
 
Message du 10 octobre 2020
Bonjour.
Il y a quelques semaines, je vous ai adressé un courriel dans lequel je contestais la validité des déclarations que M. Jean-Marc Ayrault avait faites à propos de Colbert, dont il souhaite l’élimination d’au moins une statue.
Je n’ai pas eu de réponse à ce courrier ; aussi, je voudrais revenir sur un point précis de ces déclarations, qui me semble particulièrement important.
 
Una assertion inexacte
Il s’agit de l’assertion « Dans l’article 44 du Code noir, les esclaves sont considérés comme des meubles ». Entendant le mot « meubles », les auditeurs pensent à divers objets tels que « chaises », « fauteuils », « armoires », etc.
Pour ma part, j’estime que cette assertion est inexacte. En effet, si je prends l’article 44, non pas du « Code noir », mais de l’édit le plus ancien du Code noir, promulgué par Louis XIV en mars 1685, je lis : « Déclarons les esclaves être meubles ».
Il me semble que le mot « meubles » ne désigne pas ici des objets d’ameublement ; il s’agit d’un adjectif et la phrase signifie : « Nous déclarons que les esclaves sont des biens meubles », ce qui n’ajoute rien au scandale que constitue l’esclavage, dans lequel, par définition, un esclave est un « bien », la propriété de quelqu'un d’autre.
L’article complet le confirme : « Déclarons les Esclaves être meubles, & comme tels entrer en la Communauté, n’avoir point de suite par hypothèque, & se partager également entre les cohéritiers sans préciput, ni droit d’aînesse ; n’être sujets au douaire Coutumier, au Retrait Féodal & Lignager, aux Droits Féodaux & Seigneuriaux, aux formalités des Décrets, ni aux retranchemens des quatre Quints, en cas de disposition à cause de mort, ou testamentaire. »
Il s’agit clairement (si j’ose dire) de droit de la propriété, et non pas de considérations philosophiques sur ce que sont les esclaves.
D’autres articles montrent encore plus clairement que les esclaves sont considérés comme des êtres humains. Je cite notamment l’article 2
« Tous les Esclaves qui seront dans nos Isles, seront bâtisés & instruits dans la Religion Catholique, Apostolique & Romaine. Enjoignons aux Habitans qui achèteront des Nègres nouvellement arrivés d’en avertir les Gouverneur & Intendant* desdites Isles dans huitaine au plus tard, à peine d’amende arbitraire, lesquels donneront les ordres nécessaires pour les faire instruire & bâtiser dans le temps convenable. »
C’est pourquoi je pense que l’assertion de M. Ayrault est inexacte.
 
Ce que je demande à la Fondation pour la mémoire de l’esclavage
Je voudrais savoir quel est, sur ce sujet précis, le point de vue soutenu par la Fondation :
1) Êtes-vous d’accord pour reconnaître que l’article 44 de l’édit de 1685 ne dit pas que « les esclaves sont des meubles » mais que « les esclaves font partie des biens meubles » ;
2) Si ce n’est pas le cas, pouvez-vous me fournir les éléments qui fondent votre point de vue ?
Pour terminer, j’indique que, bien que viscéralement opposé à toute forme d’esclavage, passé ou présent, je pense qu’aucune cause, aussi bonne soit-elle, ne justifie (en temps de paix) qu’on énonce des inexactitudes pour la soutenir, même s’il ne s’agit que d’une seule inexactitude. A fortiori, si on énonce sciemment des inexactitudes, auquel cas il s’agit de mensonges.
J’ai constaté que l’idée selon laquelle « dans le Code noir, les esclaves sont des meubles » fait partie de la propagande de certains groupes (décoloniaux, indigénistes), parfois sous une forme doublement mensongère : « Pour le Code noir, les Noirs sont des meubles » (voir Marianne, n° 1229, 2 octobre 2020, page 52, photographie). Cela ne peut conduire qu’à une régression inadmissible de la vie intellectuelle, à un type de monde dans lequel l’exactitude n’a plus aucune importance.
Dans l’attente de votre réponse, je vous adresse mes cordiales salutations.
Jacques Richard
Professeur d’histoire-géographie
Auteur du blog Questions d’histoire
 
Message du 7 novembre 2020
Bonjour.
Je m’adresse pour la troisième fois à la « Fondation pour la mémoire de l’esclavage », à qui j’ai précédemment adressé deux courriers relatifs à une déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation, sur un projet de suppression de statue de Colbert.
Le premier (adressé par votre messagerie) date du 24 juin dernier.
Le second (adressé par email) date du 12 octobre dernier.
Aucun n’a reçu de réponse Vous trouverez ces deux messages en annexe.
Le sujet de mon second message était pourtant très précis : que pensez-vous de l’assertion de M. Jean-Marc Ayrault « Dans l’article 44 du Code noir, les esclaves sont considérés comme des meubles », alors que pour ma part, je pense que ce que dit le « Code noir » (en réalité l’édit de mars 1685 sur la condition des esclaves dans les colonies françaises), c’est « les esclaves sont caractérisés juridiquement comme des biens meubles », tout en étant par ailleurs considérés comme des êtres humains.
L’absence de réaction de votre part m’amène à penser que vous n’êtes pas en mesure de me prouver que j’ai tort, mais que vous ne souhaitez pas remettre en cause un « élément de langage » du discours antiraciste, qui est en fait un élément de propagande fondé sur un mensonge.
Comme je l’ai déjà indiqué, aucune cause, aussi bonne soit-elle, n’a le droit d’utiliser (comme M. Ayrault l’a fait) ou de cautionner (comme vous le faites par votre silence) des énoncés mensongers (hors d’un contexte de guerre, où toute propagande est permise). Cela contrevient à la tradition de rationalité et de libre examen qui fonde en définitive la lutte contre l’esclavage, autrefois comme aujourd'hui.
J’estime qu’en joignant sa voix à des groupes pour qui la vérité historique n’a aucune importance, M. Jean-Marc Ayrault a procédé à propos de l’article 44 de l’édit de mars 1685 à une falsification des données historiques à des fins de propagande de style décolonial/indigéniste.
Or, lorsqu’il est intervenu sur France Inter, radio sur laquelle je l’ai entendu, sa situation de président de la Fondation a été énoncée de façon explicite. Il est donc nécessaire de clarifier les choses : a-t-il parlé au nom de la Fondation, ou en son nom propre ? La fondation cautionne-t-elle cette falsification ?
En attendant une réponse de votre part, j’ai bien l’honneur de vous saluer.
Jacques Richard
Professeur d’histoire-géographie retraité
 
A venir
*Qu’est-ce au juste que la « Fondation pour la mémoire de l’esclavage » ?



Création : 18 novembre 2020
Mise à jour :
Révision :  24 novembre 2020
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 92. Portrait de Jean-Marc Ayrault en faussaire de l'histoire
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2020/11/portrait-de-jean-marc-ayrault-en.html









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