jeudi 17 décembre 2015

50. Delphine Diaz 2 : la Pologne dans le livre de Delphine Diaz

Quelques informations sur le livre Un asile pour tous ? (2014) : Delphine Diaz et la Pologne


Classement :




Ceci est la suite de la page Sur le livre de Delphine Diaz Un asile pour tous les peuples ? dans laquelle je présente l’auteur et reproduis la table des matières de cet ouvrage.
On trouvera ci-dessous quelques commentaires (courtoisement acerbes). Le livre de Delphine Diaz, qui contient nombre d’informations intéressantes, présente en effet un certain nombre de défauts, lacunes, approximations.

Références
*Delphine Diaz, Un asile pour tous les peuples ? Exilés et réfugiés étrangers en France au cours du premier XIX° siècle, Paris, Armand Colin, coll. « Recherches », 2014,  partiellement disponible en ligne
*Daniel Beauvois, Histoire de la Pologne, Paris, Hatier, 1995

Le royaume de Pologne
Une erreur notable concerne l’histoire de la Pologne : Delphine Diaz ne parle que de la « partie russe de la Pologne » (pages 62 et 163) ; or, s’il est acceptable de parler de la « partie prussienne de la Pologne » ou de sa « partie autrichienne », en ce qui concerne la Russie, il serait nécessaire, durant cette période,  de différencier le « royaume de Pologne » (une fraction importante de l’ancien duché de Varsovie) et les « gouvernements de l’Ouest » de l’Empire russe (les provinces polonaises annexées à la fin du XVIIIème siècle).
Je suppose que Delphine Diaz a eu vent de l’existence du « royaume de Pologne » issu du congrès de Vienne (elle a lu, au minimum, le livre de Daniel Beauvois, dont elle donne la référence, voir ci-dessous) ; mais estimant qu’il n’est pas très important pour son sujet (les réfugiés en France) de savoir si les réfugiés polonais viennent du royaume de Pologne ou de l’Empire russe, elle a jugé opportun de simplifier, certainement dans le but pédagogique de ne pas « prendre la tête » de ses lecteurs. Elle a donc préféré « ignorer » ce petit Etat perturbateur, au statut incertain et difficile à appréhender.
Cela revient à occulter un pan non négligeable de l'histoire de l'Europe, pas très connu ou mal connu, mais fondamental pour comprendre d’où vient cette masse de réfugiés polonais des années 1830, résultat de la défaite de l’insurrection du royaume de Pologne, de l’armée du royaume de Pologne, de la Diète du royaume de Pologne, contre la domination de la Russie. Sur le plan idéologique, cela revient à cautionner la volonté d’annexion totale qui animait un certain nombre de nationalistes-impérialistes russes de l’époque. Sur le plan épistémologique, ce genre de pratique a pour résultat un affadissement considérable de « l’histoire que l’on écrit ».

L’enseignement supérieur polonais vers 1830
L’énoncé de la page 163 est intéressant sur un autre plan. Elle écrit : 
« La nouvelle enquête [faite par les autorités françaises en 1839] révèle la surreprésentation des Polonais parmi eux [les étudiants « réfugiés »] – 91 % alors qu’ils [les Polonais] forment un peu plus de 80 % des réfugiés secourus – phénomène qui s’explique par les défaillances du système d’enseignement polonais. Dans la partie russe de la Pologne, le système universitaire avait connu un premier essor, autour de la seule université de Wilno, fondée en 1803. En revanche, l’enseignement supérieur laissait à désirer dans le tronçon autrichien, où l’on enseignait exclusivement en allemand et en latin au début du siècle (4).
4. Daniel Beauvois, Histoire de la Pologne, Paris, Hatier, 1996, p. 207. »
En ce qui concerne la partie autrichienne, Daniel Beauvois indique précisément qu'en 1817, le collège jésuite de Lwow est devenu une université de langue latine et allemande, comme l'enseignement secondaire, ce qui ne signifie pas en soi que  « l’enseignement supérieur laissait à désirer ».  
Par ailleurs, l’argumentation générale de Delphine Diaz (les étudiants polonais sont particulièrement nombreux en France à cause des « défaillances du système d’enseignement polonais ») est assez abstraite et peu convaincante : on pourrait au contraire supposer qu’il y avait beaucoup d’étudiants en Pologne (Daniel Beauvois évoque à propos de l'université de Wilno la présence de nombreux étudiants issus de la petite noblesse, mais sans débouchés en Russie), et que réfugiés en France, ils ont voulu reprendre leurs études interrompues.

Quelques erreurs
Tout d’abord, l’université de Wilno n’a pas été « fondée en 1803 », mais en 1578. 1803 correspond à la décision du tsar Alexandre 1er d’en faire le pôle de l’enseignement polonais dans l’Empire (qui n’inclut alors ni Cracovie, ni Varsovie). Il s’agit donc du « maintien » ou de la « relance » d’une université polonaise et non pas d’une création à proprement parler.
Delphine Diaz semble surtout ignorer qu’il existait une université à Cracovie (depuis 1364 !) et à Varsovie (capitale du royaume de Pologne sous tutelle russe à partir de 1815), de 1816 à 1831 ; par conséquent, l’enseignement supérieur polonais des années 1820 ne se réduisait pas à « la seule université de Wilno ».
Le moins que l'on puisse dire est que sa lecture du livre de Daniel Beauvois (qui, quoique élémentaire, est assez riche) a été un peu hâtive.



Création : 17 décembre 2015
Mise à jour : 28 janvier 2016
Révision : 7 septembre 2017
Auteur : Jacques Richard
Blog : Territoires
Page : 50. Delphine Diaz 2 : la Pologne dans le livre de Delphine Diaz
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2015/12/delphine-diaz-2-commentaires.html








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