Quelques remarques sur les origines sociales de Maurice Thorez, selon François George et
selon une notice biographique
Classement : Maurice
Thorez, François George, mineurs, communisme, Parti communiste français,
Références
*François George, Pour un ultime hommage au camarade
Staline, Julliard, 1979, chapitre 2, p. 41.
*« Maurice Thorez » dans
le Dictionnaire biographique
du mouvement ouvrier
Ce livre de François George est
dans l’ensemble intéressant et ouvre de large perspectives sur l’histoire du
communisme, mais des assertions discutables lui viennent parfois sous la plume.
Texte 1
Par exemple, dans le chapitre
consacré à « La critique de l’amour », il évoque :
« ...l’idée opportunément exprimée par
Maurice Thorez : "Les mères ont fait aimer à leurs enfants le nom de
Staline." Ce n’est pas une simple niaiserie, le "fils du
peuple" sait de quoi il parle4 :
cela veut dire que la mère, usant du pouvoir qui est le sien en vertu de
l’adage latin mater certissima, pater semper
incertus,
indique à l’enfant l’identité de son père symbolique, autant dire de son vrai
père, Staline.
4. Il était lui-même, sur le plan symbolique –
le seul qui compte – fils de mineur, c’est-à-dire fils du représentant le plus
pur du Prolétaire « en soi » (en fait, il était le fils
« illégitime » d’un boucher). »
Commentaire
Cette note contient une
déformation de la réalité, une distorsion, volontaire ou involontaire. Quelle
impression en tire-t-on en effet ? Celle que Maurice Thorez a menti à propos de
ses origines. Au sens strict, François George ne profère pas cette accusation
(peu originale) ; mais un lecteur connaissant mal la biographie de Maurice
Thorez s’y laisse facilement conduire. Que Thorez ait des tas de choses à se
reprocher est une chose : est-ce une raison pour lui faire en plus ce
reproche-là ?
Texte 2
Je propose donc en parallèle un
passage de la notice Maurice Thorez dans le DBMO (le Maitron) :
« Le personnage marquant de sa
jeunesse fut son grand-père [...], mineur socialiste (guesdiste) de
Noyelles-Godault. Embauché à la fosse 4 de Dourges de 1891 à 1914 [...] il
était un actif militant [syndical et …] restera jusqu’à sa mort, le 31 avril
1931, l’animateur de la section C.G.T. des vieux pensionnés de
Noyelles-Godault. C’est lui qui déclara la naissance de Maurice, enfant naturel
que sa fille avait conçu avec Henri Breton, le fils de l’épicier du pays. Refus
d’un des deux amants ? Réticences des familles ? La liaison n’avait
pas débouché sur un mariage […]. Le jeune Maurice ne connut que tardivement le
secret de sa naissance. Il avait en effet été reconnu à 2 ans et demi par Louis
Thorez, un mineur qui l’éleva comme son propre fils. Lorsqu’en 1930, Le
Populaire fit pour la première fois allusion à ses origines non ouvrières,
Thorez répliqua en rappelant que son père Louis Thorez travaillait à la fosse 4
des mines de Dourges depuis 1907 et était syndiqué à la CGTU. »
Commentaires
On peut se demander pourquoi
François George met le mot illégitime
entre guillemets et surtout pourquoi il n’explicite pas la formulation ampoulée
de sa note. En fait, il aurait pu écrire, si on suit la notice : « Thorez
était le fils naturel de la fille d’un mineur et du fils d’un petit commerçant
(épicier ou boucher ?) ; il a d’abord été élevé dans la maison de son
grand-père maternel, mineur ; puis il a été reconnu par son beau-père, mineur,
qu’il a longtemps cru être son père. »
Il ne s’agit pas de quelqu’un qui
aurait vécu une enfance petite-bourgeoise, qu’il aurait fait par la suite
passer pour une enfance ouvrière. Il a eu une enfance ouvrière dans une famille
de mineurs. J’ajoute que l’expression « Il était […], sur le plan
symbolique – le seul qui compte – fils de mineur » est tout à fait
inappropriée : une reconnaissance n’est pas « symbolique »,
c’est un acte de droit parfaitement positif.
Conclusion
Il me semble que François George
jette ici sans fondement la suspicion sur les origines de Maurice Thorez et que
cela relève d’une rhétorique stalinienne (ou, plus généralement, totalitaire),
tout à fait injustifiée, même à l’encontre des pires staliniens.
On pourrait aussi s’interroger sur
le caractère de « l’accusation » du Populaire, qui me semble relever de l’abjection (car en
arrière-plan, il semble y avoir l’évocation de la « bâtardise »). Mais je ne
dispose pas d’éléments suffisants pour développer ce point.
Création : 11 janvier
2013 dans Blogoliot (http://blogoliot.blogspot.fr/2013/01/francois-george-sur-maurice-thorez.html)
Transfert : 15 février
2017
Mise à jour :
Révision : 27 août 2017
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 10. François George et Maurice Thorez
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2017/02/francois-george-et-maurice-thorez.html
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