Quelques
réflexions sur la propagande indépendantiste bretonne fondée sur l’utilisation
de certains faits ou non faits historiques
Classement :
HTML
Le
site BUAN (lien)
évoque dans une des 169 pages qu’il comporte (à la date du 31 octobre 2017)
« Le traité de 1532 et ses conséquences » (lien).
Cette
page mérite un examen.
Je
la cite intégralement ci-dessous (à la date du 31 octobre 2017) :
Texte
En gras, les passages les plus notables
« Depuis
des décennies, les organisations du Mouvement Breton font référence au Traité
de 1532, pour revendiquer le respect des droits de la Bretagne.
Ce
fait constant devrait nous alerter : le Traité de 1532 se nomme en réalité
"L'Edit d'Union", signé et publié à Nantes, le 13 août 1532. Cet Edit
d'Union stipule dans ses textes : "nous unissons et joignons les pays et
duché de Bretagne avec le royaume et couronne de France, perpétuellement, de
sorte qu'ils ne puissent être séparés ni tomber en diverses mains pour quelque
cause que ce puisse être...". En septembre l'édit du Plessis-Macé garantit
les libertés fiscales, judiciaires et ecclésiastiques de la Bretagne. Le
dauphin François est couronné duc à Rennes le 14 août 1532. François III* meurt
le 10 août 1536, dernier à porter le titre de duc de Bretagne. La duchesse de
Bretagne, elle-même, pressentait tous les dangers que renfermait l'union
éventuelle de la Bretagne au royaume de France : cette union deviendrait
annexion. Ce qui advint dans les faits. Le roi Henri II Plantagenêt* regarde la Bretagne comme une simple province
de son royaume.
On
peut donc considérer ce "Traité de 1532" comme un piège dans son
interprétation ultérieure, et comme une trahison dans son application par la
force. Est-il opportun de se référer à ces humiliantes violations ?
Un
rappel de l'Histoire du XVème siècle montre que les Ducs de Bretagne ont tenté
de maintenir l'indépendance et l'équilibre en pratiquant alternativement
l'alliance prudente avec l'Angleterre ou la France. Il n'en n'est pas moins
vrai que le Roi de France fit en sorte que les Etats de Bretagne veuillent bien
demander l'union - sa dignité lui interdisant de paraître solliciteur-. De
plus, le Roi avait acheté quelques consciences et fait avancer des troupes
jusqu'aux portes de Vannes, pour bien signifier qu'en cas de refus la conquête
se ferait par les armes. Aucun secours extérieur n'était possible à cette
époque. L'Angleterre, après avoir perdu la guerre de Cent ans, sortait d'une
guerre de succession de trente ans et n'était plus en état d'intervenir.
L'armée bretonne, elle, était démantelée par trente-quatre années d'occupation
française. Ainsi, les Etats de Bretagne tentèrent de sauver ce qui pouvait
l'être encore.
Ils
posèrent des conditions précises au Roi de France : le respect de la
constitution de Bretagne et des différents traités de Vannes (4 août 1532), de
Nantes (13 août 1532), et du Plessis-Macé (septembre 1532). De plus, toute
modification dans les termes des traités devrait recevoir le consentement des
Etats de Bretagne. Les rois de France donnèrent bien des entorses à ce traité,
notamment sous Louis XIV sur la question des impôts (provoquant la fameuse
révolte des Bonnets Rouges) mais n'osèrent jamais le dénoncer, ni le violer
ouvertement.
L'Assemblée
Constituante le fit. La nuit du 4 août 1789 enregistra cette violation
officielle de la Bretagne par l'Assemblée Nationale Française. Ces extraits du
discours de l'Abbé Maury en sont un vigoureux témoignage :
L'abbé
Maury
"Je
n'ai l'honneur d'être ni Breton ni magistrat..."
"C'est
l'exécution littérale de ce traité de Vannes en 1532 que réclament les Bretons.
Il n'y a plus rien de sacré parmi les hommes si un pareil titre n'est pas
respecté [...] tous les engagements des contrats sont réciproques. Il est donc
démontré, et je ne crains pas de le publier en présence des représentants de la
nation française, que la Bretagne est libre, et que nous n'avons plus aucun
droit sur cette province, si nous ne voulons pas remplir fidèlement les
conditions du traité qui l'a réunie à la couronne [...] L'une des clauses de ce
contrat porte formellement que la Bretagne aura un Parlement, une chancellerie,
une chambre des comptes, et qu'il ne sera fait aucun changement relatif à
l'administration de la justice dans cette province, sans le consentement
préalable de ses Etats."
La
Constituante a violé à l'évidence les termes des Traités. La Bretagne se vit
bafouée d'autant plus gravement qu'elle
était "province réputée étrangère" donc autonome*.
Les
agissements des Républiques Françaises successives n'ont fait qu'accentuer
cette intégration forcée, jusqu'à amputer le territoire breton du Pays Nantais.
Anatole De Monzie - Ministre français de l'Education Nationale - ira jusqu'à
dire en 1925 : "La langue bretonne doit disparaître". Au regard du Droit international, la France
n'a toujours pas le droit d'ingérence en Bretagne. Ainsi il résulte que tous
les décrets promulgués à Paris continuent d'être juridiquement nuls et
inapplicables en Bretagne.
La
corruption à travers les âges !
Les
"largesses" de François Ier, Roi de France, à la veille du Traité d'Union
de 1532 (selon le catalogue des Actes de François Ier T.2)
9
juin 1531 : Jean de Laval nommé gouverneur de Bretagne
31
mai 1532 : Cession à la comtesse de Châteaubriant des revenus des anciens
domaines ducaux de Suscinio et Lestrenic. Don de 18 000 livres tournois à son
mari Jean de Laval.
12
juin 1532 : Gages et pension à Philippe Chabot, comte de Chagny.
20
juin 1532 : Don de 20 000 livres au cardinal du Prat.
5
juillet 1532 : Cession des revenus de la baronnie de Fougères à René de
Montjean, "du pays angevin", qui doit présider la réunion des Etats
de Bretagne, etc. »
Notes
*François III : duc de Bretagne
sous ce nom, François (1518-1536), fils aîné de François 1er et de
Claude (fille de Louis XII et d’Anne de Bretagne), est aussi le dauphin de France mais
meurt prématurément
*Henri II Plantagenêt : Henri (1519-1559), fils de François
1er et de Claude, est dauphin à partir de 1536, roi de France à
partir de 1547 ; la mention « Plantagenêt » est évidemment
absurde
*province réputée étrangère : il ne s’agit pas d’une « étrangéité »
politique, mais douanière ; dans la France d’Ancien régime, les « traites »
(droits de douanes vis-à-vis des Etats étrangers et entre provinces) étaient
appliquées selon trois catégories : « les provinces des Cinq grosses
fermes », les « provinces réputées étrangères », les « provinces
à l’instar de l’étranger effectif ». Selon la page Wikipédia « Traites »,
« Les "provinces réputées étrangères", définies comme telles par
Jean-Baptiste Colbert, dans l'ordonnance de septembre 1664, étaient
l'Angoumois, l'Artois, la Bretagne, le Dauphiné, la Flandre, la Guyenne, le
Languedoc, le Limousin, le Lyonnais, le Forez, le Périgord, la Provence, le
Roussillon, le Saintonge, le Béarn, la Soule et la Basse-Navarre, où les droits
étaient élevés et payés sur les échanges entre elles mais aussi avec les autres
provinces. » Il n’y a paslieu de se servir de cette
notion pour proclamer une « autonomie » de la Bretagne.
Analyse
et commentaires
Au
regard du Droit international
« Au
regard du Droit international, la France n'a toujours pas le droit d'ingérence
en Bretagne. Ainsi il résulte que tous les décrets promulgués à Paris
continuent d'être juridiquement nuls et inapplicables en Bretagne. »
L’idée
que, à l’heure actuelle, la position de la France en Bretagne serait illégale « au
regard du Droit international » parce que des actes de droit public ont
été établis par le roi de France en 1532 et violés à partir de 1789 est très
discutable.
1) s’agit-il
de traités internationaux ? Absolument pas (l’auteur le signale lui-même)
Et quand
bien même : un traité entre deux puissances (même si l’une est vaincue) repose sur un rapport de forces dans une situation géopolitique donnée. Tant
les rapports de force que la situation géopolitique avaient bien changé de 1532
à 1789 et ensuite.
Du
reste, devant quelle juridiction internationale concrète cette cause pourrait-elle être introduite ? Devant la juridiction de l’opinion
publique, qui est probablement limitée, sur ce sujet, à quelques centaines de
personnes liées à la cause bretonne.
2) dans
la mesure où il s’agit en réalité d’actes « nationaux », ils seraient
plus à même de devoir être respectés. Mais comme une des parties est l’Etat central, les
rapports de force et la situation politique sont déterminants puisqu’il est
difficile de faire appel à une instance de l’Etat contre l’Etat (avant la
seconde moitié du XXème siècle du moins).
A suivre
Compléments
Création :
27 novembre 2017
Mise à jour :
Révision :
Auteur :
Jacques Richard
Blog :
Questions d’histoire
Page : 17. La Bretagne et le droit
international
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2017/11/la-bretagne-et-le-droit-international.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire