Analyse des assertions de Laurent Joffrin relatives
à la Gaule et aux Gaulois et à l’histoire générale de la France : analyse
politique de son texte
Classement :
nationalité française ; identité française ; pseudo-historien
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*Laurent
Joffrin et les Gaulois (texte de la tribune)
Référence
*Laurent
Joffrin, « Sarkozix le Gaulois », dans Libération,
21 septembre 2016
Présentation
Le lundi 19 septembre 2016, Nicolas Sarkozy déclarait au cours d’un meeting tenu à Franconville (Val-d'Oise) :
« Nous ne nous contenterons plus d’une intégration qui ne marche plus, nous exigerons l’assimilation. Dès que vous devenez français, vos ancêtres sont gaulois. »
(voir par exemple, Le Monde, lien)
(voir par exemple, Le Monde, lien)
Déclaration de style assez « tough » sur le sujet (« exiger », « assimilation ») ; la phrase sur les Gaulois va donner lieu à un débat assez touffu, dont il y a lieu d’examiner plusieurs éléments. ; la tribune de Joffrin ci-dessus mentionnée est un bon exemple.
J’analyser ici les aspects politiques de son texte, qui
concernent les problèmes de la nationalité française.
Analyse
1) La fierté des origines étrangères
« Nicolas
Sarkozy fait souvent état de son origine hongroise, dont il est légitimement
fier »
On retrouve ici un lieu commun de la pensée
« immigrationiste », l’idée que les immigrés et leurs descendants devraient
être « fiers » de leur origine étrangère (puisque cette fierté est
« légitime ») ; ce qui est amusant ici (je suppose que Joffrin
en était conscient ; sa remarque, juste après : « On ne
suggère pas ici que Sarkozy a pour ancêtre Attila » relève clairement de
l’humour joffrinesque) , c’est que l’idée s’applique
à un « puissant de ce monde » et non pas, par exemple, à un immigré
malien balayeur de rue.
Il semble que dans certaines écoles, il y ait des cartes du
monde indiquant l’origine des élèves de la classe, avec parfois la mention
(« X, fier d’être Y »).
Cette idée est plus ou moins justifiée, mais il me semble
que son caractère « positif » lui donne un aspect bizarre :
est-ce que par implication, une naissance en France serait une source de
honte ?
Aucun lieu de naissance n’est un sujet de honte, aucun non
plus n’a lieu d’être un sujet de fierté.
(Dans la pratique scolaire, je suppose qu’il s’agit de
combattre « les stéréotypes intériorisés et véhiculés par les élèves indigènes
contre les allogènes ». On dit « je suis fier de… », qui est inepte,
mais plus marquant que « je n’ai pas honte de… », qui est juste.)
2) Les dérives de l’assimilation
« [La « saillie » de Nicolas
Sarkozy] veut imposer à tous les Français d’origine étrangère le modèle de
l’assimilation, idée révolue qui entend annihiler chez les citoyens français
toute espèce de personnalité particulière. Imposée naguère par un certain
nationalisme, de droite et de gauche, l’assimilation est aujourd'hui un mirage,
qui voudrait que les minorités se coupent totalement de leur culture d’origine.
On ne l’exige ni des Portugais d’origine, ni des Arméniens, ni des Catalans, ni
des Corses, ni des Bretons, ni des Chinois, ni des Alsaciens, ni de personne…
sauf des Français de culture musulmane. Sous de dehors républicains, cette
injonction, dès qu’on gratte un peu, apparaît pour ce qu’elle est : une
discrimination dirigée contre une minorité particulière, qui tend à exclure de
la communauté nationale des millions de personnes qui en sont partie intégrante
et qui veulent le rester.. »
Ce passage est
caractérisé par une construction rhétorique fuyante.
1) Joffrin
définit l’assimilation comme la volonté d’ « annihiler chez les citoyens
français toute espèce de personnalité particulière » ;
2) il la définit
aussi comme une volonté « que les minorités se coupent totalement de leur
culture d’origine » ;
On a donc un premier
glissement : de l’individu à la minorité ethnique.
3) les
formulations précédents permettent de comprendre qu’il condamne l’assimilation
en tant que principe ;
4) il affirme
aussi que l’assimilation n’est exigée de presque aucune « minorité »
dont il donne les exemples suivants : « Portugais d’origine,
Arméniens, Catalans, Corses, Bretons, Chinois, Alsaciens ». Le moins qu’on
puisse dire est que l’application du concept de « minorités » à ces
différents « groupes » est un peu étrange.
5) il affirme cependant
qu’elle est exigée « des Français de culture musulmane ».
Ici, se pose deux
problèmes d’ordre linguistiques :
1) Qui est ce
« on », sujet de « on ne l’exige ni des … sauf des
.. » ;
2) A quoi
correspond le présent de l’indicatif de « exige » ?
Est-ce que les
musulmans (j’abrège) sont actuellement l’objet d’une pression
assimilationiste ? A quoi pense Joffrin en écrivant cela ? A la loi
de 2004 ? A celle de 2010 ? A l’ « islamophobie » qui
soi-disant, imprègne la France (moisie) ?
En fait, il veut
probablement dire « on ne l’exige pas des Bretons, mais par islamophobie,
on l’exigerait volontiers des musulmans » (j’abrège).
6) il insinue
(« dès qu’on gratte un peu ») qu’en disant « nous exigeons
l’assimilation », Nicolas Sarkozy n’avait pas d’autre objectif que de
« discriminer » « les Français de culture musulmane ».
Si, a priori, je
ne peux pas exclure pas que « les musulmans » aient été à l’esprit de
Nicolas Sarkozy, il n’en reste pas moins que la formulation de Joffrin est un
bel exemple de formule lénifiante à objectif mystificateur.
Au total, le long passage cité plus haut n’a pas un grand intérêt (mais on comprend bien que « l’assimilation,
c’est mal »).
3) Qu’a voulu dire au juste Nicolas Sarkozy ?
« La dernière saillie de Nicolas
Sarkozy, qui exige désormais des « sang-mêlé » (comme lui) qu’ils se
proclament descendants des Gaulois pour avoir droit à la qualité de citoyen
français »
Selon une page
du Monde sur le sujet (lien), Nicolas Sarkozy aurait dit :
« Dès que vous devenez français, vos ancêtres
sont gaulois. »
Tel quel (et la
caution du Monde est garante d’une objectivité sans failles !), l’énoncé
de Nicolas Sarkozy n’est pas correctement transcrit par Joffrin. Nicolas
Sarkozy ne fait pas de la reconnaissance de l’ascendance gauloise une condition
d’obtention de la nationalité française, mais une conséquence ; en toute
logique, il ne peut en aucun cas avoir à l’esprit une ascendance biologique ;
si l’énoncé de Nicolas Sarkozy a la moindre logique, il doit s’agir d’une
ascendance symbolique liée à la nationalité.
Il est tout à
fait possible que Nicolas Sarkozy ait tort et que les Gaulois ne soient pas des
ancêtres symboliques des Français (comme le disent certains membres du CCIF).
Mais il n’y a
pas de raison de caricaturer le point de vue que, me semble-t-il, il a voulu
exprimer.
4) L’identité française selon Joffrin
« Une discrimination totalement
contraire à la véritable identité française, qui est celle du mélange. »
De nouveau, un
lieu commun de la pensée immigrationiste. De quel « mélange » s’agit-il ?
Manifestement, pour Joffrin, il doit s’agir de mélange culturel, sinon ethnique.
Mais qu’est-ce
que cette phrase peut vouloir dire ?
A mon avis,
telle que Joffrin la formule (« la véritable identité française est celle
|l’identité ?] du mélange), elle ne veut rien dire. Mais c’est un beau
slogan, un admirable manifeste « d’ouverture ». Pas de sens, mais un
effet : rendre son auteur sympa, le détacher clairement de la horde des
« Français moisis » (droits d’auteurs à payer à Sollers).
Dans le genre, j’en
propose un autre à Lolo : « Venez comme vous êtes ! »
(droits d’auteur à régler à McDo).
Conclusion
générale (des quatre pages consacrées à « Joffrin et les Gaulois »)
Le texte
de Joffrin n’est pas la pire tribune qu’on ait pu lire ces dernières
années dans la presse française ; au moins, il évite de discréditer ostensiblement son adversaire
(un peu quand même : « saillie », « accablant », etc.).
Il tente même d’utiliser l’arme de l’humour, mais manque de brio dans ce
domaine.
Ce n’est pas non plus une bonne tribune : trop d’énoncés
approximatifs, voire erronés ; sa connaissance de l’histoire des Gaulois
est sommaire (il est vrai qu'il considère François Reynaert comme un « historien sérieux » du sujet) ; c’est seulement un peu mieux en ce qui concerne l’histoire de France ;
sur la question de la nationalité française, il se montre d’un conformisme peu
inspiré.
Il s’est
cru chargé de la mission de « contrer » une phrase de Nicolas Sarkozy,
qui n’était pas si absurde qu’il l’a cru (comme beaucoup d'autres). Il a cru pouvoir la remplir en un quart de page ; c’était trop peu, mais dans ce peu, il a réussi à insérer
beaucoup de choses inexactes ou sans intérêt.
Mise à jour : 29 décembre 2017 (Conclusion)
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 26. Joffrin et les Gaulois : Analyse politique
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2017/12/joffrin-et-les-gaulois-analyse-politique.html
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