Analyse d'assertions de Laurent Joffrin relatives à
l’histoire générale de la France dans une tribune sur la Gaule et les Gaulois
Classement :
Gaule ; histoire de France ; pseudo-historien
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Référence
*Laurent
Joffrin, « Sarkozix le Gaulois », dans Libération,
21 septembre 2016
Présentation
Le lundi 19 septembre 2016, Nicolas Sarkozy déclarait au cours d’un meeting tenu à Franconville (Val-d'Oise) :
« Nous ne nous contenterons plus d’une intégration qui ne marche plus, nous exigerons l’assimilation. Dès que vous devenez français, vos ancêtres sont gaulois. »
(voir par exemple, Le Monde, lien)
Déclaration de style assez « tough » sur le sujet (« exiger », « assimilation ») ; la phrase sur les Gaulois va donner lieu à un débat assez touffu, dont il y a lieu d’examiner plusieurs éléments. ; la tribune de Joffrin ci-dessus mentionnée est un bon
exemple.(voir par exemple, Le Monde, lien)
J’analyse ici les éléments historiques relatifs à la
formation de la France.
L’histoire de France analysée par Laurent Joffrin
1) « A l’époque de
Vercingétorix, la France n’existait pas. »
Merci, oncle Lolo !
2) La
formation (accélérée) de la France
« Les prémisses de la nation française sont
apparues au Moyen Âge. La France s’est formée lentement à travers le combat
opiniâtre de la dynastie capétienne et, surtout, en passant du royaume des
sujets à la nation des citoyens, après la Révolution française. »
Trois lignes
pour évoquer un millénaire d’histoire ! C’est tellement vague qu’on ne
peut pas dire que ce soit faux. C’est juste sans intérêt, notamment du fait de
l’absence de distinction entre l’ « Etat » et la
« nation ».
3) Le grand brassage des
populations
« Devenus
gallo-romains, les Gaulois ont adopté la culture latine, avant d’être soumis à
un immense brassage de populations qui dure encore aujourd'hui. Il y a un
creuset français et non une lignée. Si nos ancêtres sont gaulois, alors ils
sont aussi romains, wisigoths, burgondes, francs, vikings, juifs, arabes et,
plus récemment, espagnols, italiens, polonais, arméniens ou portugais. »
Nous trouvons ici un lieu commun de la pensée « immigrationiste »
actuelle : la France a toujours été un pays d’immigration, les Français
sont tous des immigrés ou des descendants d’immigrés.
Notons que sur le plan historique, la formule
« devenus gallo-romains, les Gaulois… » ressemble à « Nous autres,
chevaliers du Moyen Âge ». En réalité, les Gaulois sont devenus sujets de
l’Empire romain ; certains sont devenus citoyens romains, voire sénateurs
à partir de 56 après J.-C. (discours de Claude sur l’accès des Gaulois au
Sénat) ; tous les hommes libres sont citoyens à partir de 212, en Gaule, comme dans le reste de l'Empire.
Quand est-ce que les Gaulois ont « subi un
brassage » : un peu dès le IIème siècle, époque où des garnisons romaines en
Gaule sont constituées de soldats originaires d’autres provinces (Maurétanie,
par exemple) ; puis il y a eu les « invasions barbares », l’installation
plus ou moins violente des Germains du IIIème au Vème siècle (avec les Huns au
Vème) ; les Germains, notamment les Francs, ont évidemment un rôle majeur dans l'histoire de France (Francia, le pays des Francs).
Ensuite il y aura une courte incursion musulmane (Arabes,
Berbères) au VIIIème siècle ; les Vikings aux VIIIème et IXème
siècles ; des Hongrois au Xème (Nîmes, Verdun, vers 925). De ces derniers, les seuls qui
aient laissé une empreinte sont les Vikings, en « Normandie ».
De 930 à 1830, soit pendant 900 ans, les mouvements
d’immigration sont très limités. La nation qui fait la révolution en 1789 est
quasi entièrement formée de gens installés depuis une quarantaine de
générations au minimum (mise à part une fraction minoritaire des habitants des
villes) ! Ces Français de 1789 ont effectivement comme ancêtres, outre des
Gaulois (et au-delà, des Ligures, des Basques, des Cromagnon, des
Néanderthaliens !) des « romains, wisigoths, burgondes,
francs, vikings, juifs, arabes ». Seulement, les juifs exceptés, toutes
ces « origines » se sont réellement fondues dans le
« creuset », elles ont disparu de la conscience individuelle et
collective (même si les Burgondes ont laissé leur nom à la Bourgogne)… A la
place, il y a, à partir de 1789, l’idée de la nation, qui étymologiquement est reliée
à la naissance, à l’origine, mais qui, de fait, sous la Révolution, met
l’accent sur l’adhésion idéologique pour définir ses membres (sont rejetés de
la nation les nobles émigrés, tandis que pas mal d’étrangers statutaires sont
acceptés).
Il n’y a aucun
rapport entre ce premier « brassage de population » et celui des
XIXème et XXème siècles. Les immigrants plus récents (« espagnols,
italiens, polonais, arméniens ou portugais ») sont dans un rapport
différent, parce que pour la plupart, ils sont venus en France en provenance
d’autres nations, effectives (Espagnols, Italiens, Portugais) ou virtuelles
(Arméniens), fortes ou persécutées. Curieusement, la liste de Joffrin n’inclut
pas les immigrants venus d’Afrique du Nord ou subsaharienne.
En l'occurrence, cette différence historique n'implique de mon point de vue aucune différence sur le plan juridique quant à la nationalité française.
En l'occurrence, cette différence historique n'implique de mon point de vue aucune différence sur le plan juridique quant à la nationalité française.
4) Petite
historiographie de la Gaule et des Gaulois
« Ce sont les républicains qui ont voulu faire
remonter l’origine de la France à l’antiquité gauloise pour faire pièce à la
mythologie aristocratique qui voyait dans la noblesse française une héritière
de la noblesse franque ; l’idée consistait à donner au peuple des racines
plus anciennes que celles des nobles, dont on contestait la primauté. Mais
cette idée ressortit de la politique bien plus que de l’histoire. »
Ce petit développement n’est pas tout à fait approprié car le
thème des origines franques (ou germaniques) de la noblesse date des
XVIIème-XVIIIème siècles et oppose les Francs aux Gallo-romains ; le thème
proprement gaulois date du XIXème siècle, il est particulièrement promu sous le
Second Empire (fouilles d’Alésia, Musée des Antiquités nationales), mais pas
dans une perspective « anti-nobles ».
La validité de l’assertion de Joffrin mérite donc une
sérieuse vérification.
A suivre
*Analyse politique
A suivre
*Analyse politique
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 25. Joffrin et les Gaulois : Analyse historique (histoire de France)
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2017/12/joffrin-et-les-gaulois-histoire-de.html
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