Quelques
remarques sur un faux calomnieux forgé par Jean-François Revel contre un
historien de moindre renom, Marc Vincent
Classement : communisme ; antitotalitarisme ; manipulation de documents
Ceci est
la suite de la page Portrait
de Jean-François Revel en faussaire de l'histoire dans laquelle je fournis
les textes permettant de détecter et d’analyser le faux commis par Revel.
Références
*Jean-François
Revel, La Connaissance inutile, Paris, Grasset, 1988, pages
308-309
*Marc
Vincent, Guide du professeur
d’Histoire-Géographie de 3°, Paris, Bordas, 1980, pages 95 et 96 (sur
l’auteur : voir notice BnF, lien)
Revel faussaire
A
la page 309 du livre de Revel, La
Connaissance inutile, se trouve une citation truquée dans le but de
calomnier un historien pas très connu, Marc Vincent, et dans la foulée, les professeurs
d’Histoire-Géographie (ceux du moins qui ne pensaient pas comme Revel) : il
peut donc être considéré comme un faussaire de l’histoire, bien qu’il ait à de
nombreuses reprises dénoncé (à juste titre) ce genre de pratique dans les
régimes totalitaires.
Pourquoi
Revel est-il devenu un faussaire ?
On
peut se demander pour quelle raison cette manipulation a eu lieu : le texte incriminé est en effet assez court, l’analyse des manuels que Revel a menée dans les pages
précédentes est plutôt convaincante… Pourquoi ce coup de force dont La Connaissance inutile aurait pu se
passer ? Revel a-t-il pensé qu’il ne suffisait pas de signaler une
imprégnation idéologique, qui ne peut être que partielle ? A-t-il estimé
nécessaire de concrétiser sa démonstration, de détecter des individus réels qui
puissent être supposés coupables, de dénoncer un individu nommément désigné ?
Dénonciation d’autant plus difficile à justifier qu’elle n’est pas fondée.
Revel
commence son paragraphe par la formule consacrée : « Tout se passe comme si… », qui n’implique pas de
culpabilité au sens judiciaire (elle évoque tout de même la notion de
culpabilité objective, chère, entre autres, aux théoriciens
marxistes-léninistes des grandes époques répressives), mais il semble ne pas
avoir résisté au plaisir de mettre en évidence, à propos de Marc Vincent, un
acte moralement, sinon légalement, répréhensible, bien que cet acte ait pour
principale caractéristique de ne pas avoir été commis. C’est assez étrange.
Comment
Revel est-il devenu un faussaire ?
On
peut aussi se demander quelle est la part de responsabilité de Revel dans ce
truquage. Ne disposant pas d’informations sur sa technique de documentation,
j’envisage deux possibilités :
1)
Il confie à un assistant le soin de chercher des témoignages de l’emprise
communiste dans l’enseignement secondaire. Une phrase trouvée dans l’ouvrage de
Marc Vincent va être modifiée par la substitution de « On montrera…» à « Du texte on fera tirer…. ». Si on
compare les deux versions isolées de tout contexte, elles peuvent ou bien être
synonymes (deux paraphrases du texte de Jdanov), ou bien ne pas l’être (la
phrase originelle pourrait difficilement être autre chose qu’une paraphrase,
puisqu’elle se manifeste, dans sa littéralité, comme analyse d’un texte ;
la seconde peut ne pas l’être). Le documentaliste, sachant qu’il s’agit d’une
paraphrase, se donne bonne conscience en laissant à Revel le soin
de l’interpréter comme une injonction à l’endoctrinement. Revel a
dans une certaine mesure été trompé ; mais il a fait preuve d’imprudence
ou de négligence et sa responsabilité d’auteur est entière.
2)
Il a eu personnellement le texte de Marc Vincent sous les yeux ; sachant
que la citation originelle ne convient pas à sa démonstration, il effectue
lui-même les retouches nécessaires ; cela permettrait d’expliquer pourquoi
il ne s’attarde pas, pourquoi il passe sans insister à un autre sujet (l'emprise communiste dans les manuels d'espagnol).
Du
faux dans l’œuvre de Revel
Bien
sûr, il ne s’agit que d’un cas. Mais un cas caractérisé. Pas très
reluisant…
Doit-on
trouver normal de dénoncer le mensonge d’une organisation
totalitaire, mais de l’accepter de la part d'une personnalité qui se veut antitotalitaire ? La fin justifie-t-elle les moyens ? Faut-il mentir pour lutter contre le mensonge ? Pas dans la vie politique, mais en écrivant un livre...
Si
on est un auteur antitotalitaire, est-ce qu’on a droit à un faux par
ouvrage ? A plusieurs ? A combien de faux commence-t-on à devenir peu crédible ?
D’un
point de vue personnel, c’est parce que je considérais le mensonge systématique
comme un aspect des plus répugnants de la société soviétique de l’époque
brejnévienne que j’ai suivi avec sympathie le parcours de Revel dans les années
70, lorsqu’il écrivait La Tentation
totalitaire et La Nouvelle censure
(qui lui attiraient l’inimitié de beaucoup de gens de gauche).
Par la suite,
il semble avoir sombré dans une forme de paranoïa anticommuniste qui l’a
conduit au mieux à émettre des banalités en série, au pire à tordre la réalité
pour qu’elle s’accorde avec ses théories et qu’il puisse faire plaisir à peu de
frais aux lecteurs du Figaro et du Point (dire du mal des
« profs », ça ne peut pas nuire avec ce public).
Le
faux de Revel jugé par ses potes
Quelque temps après la mort de Revel (c’est seulement à ce moment que j’avais retrouvé le texte original de Marc Vincent, à la bibliothèque de l'INRP à Lyon), j’ai soumis sa petite vilenie
1)
à Jean-Claude Casanova, directeur de la revue Commentaire, qui n’a jamais répondu à aucun de mes courriers (4 ou
5) ;
2)
à Marc-Olivier Padis, alors responsable de la revue Esprit, qui m’a expliqué que « ce n’est pas un sujet », et
surtout que ce n’était pas important, qu’il fallait sans doute mettre cette erreur sur le
compte de la « fougue du polémiste »…
Je
n’avais aucune estime pour Casanova, que je connaissais par ses prestations à L’Esprit public (de Philippe Meyer, sur France Culture) ; j’ai perdu celle que
je pouvais avoir pour Padis (qui a par la suite été quelque chose dans l’officine Terra Nova).
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 24. Revel faussaire de l'histoire 2 : Commentaires
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