Quelques remarques sur la campagne menée en 2017 par Louis-Georges Tin contre Colbert, partiellement reprise par Jean-Marc Ayrault en 2020
Classement :
Ceci est une suite des pages
*L'affaire
Colbert 1. L'acte d'accusation, dans laquelle on
trouvera le texte de la pétition contre Colbert lancée par le CRAN en
2017 ;
*L'affaire
Colbert 2. Défense sur la forme, dans laquelle
j’étudie la question : si coupable il y a, Colbert est-il le seul et le
principal ?
Je fais ci-dessous
un résumé article par article de ce texte, qui en comporte 60.
Référence
*« Edit du Roi Touchant la Discipline des
Esclaves Nègres des Isles de l'Amérique Française, donné à Versailles au mois
de mars 1685 », publié dans Recueil d’édits, déclarations et
arrests de Sa Majesté concernant l’administration de la Justice & la Police
des Colonies françaises de l’Amérique, & les Engagés, Paris, MDCCXLIV
(1744), page 81 à 101.
Cet ouvrage est disponible sur le site Gallica (lien à la page 81, où l'édit apparaît comme le premier édit du
recueil appelé par la suite « Code
noir »,.sans que cette formule soit contenue dans l’édit lui-même.
A) Plan
de l’édit
Questions de
religion
Article
1 : expulsion des Juifs hors des îles
Article
2 : obligation de catéchiser et baptiser les esclaves.
Article
3 à 5 : répression du protestantisme.
Articles
6 et 7 : obligation d’observer les jours fériés de l’Église catholique.
Article
8 : non reconnaissance du mariage des non-catholiques.
Mariages et d’inhumation
Article
9 : cas des hommes libres ayant eu des enfants en concubinage avec une
esclave.
Articles
10 à 13 : mariage des esclaves.
Article
14 : inhumation des esclaves.
Contrôle des
esclaves (articles
15 à 17)
Limite des
capacités des esclaves
Articles
18 à 21 : limites de la capacité commerciale des esclaves.
Articles
28 à 31 : limites de la capacité juridique des esclaves
Obligations d’entretien
des maîtres (articles
22 à 27)
Procédures
criminelles contre les esclaves
Articles
32 à 41 : sanctions contre les esclaves en matière criminelle (notamment
en cas de fuite, 38)
Articles
42 et 43 : pouvoir de punir des maîtres et limites de ce pouvoir.
Droit de propriété
et esclavage ; procédures à suivre dans les cas saisies (articles 44 à 54). C'est la partie la plus juridique de l'édit.
Procédures d’affranchissement
et statut des affranchis (articles
39 et 55 à 59)
Article
60 : affectation des amendes sans destinataires spécifiés.
B)
Résumé article par article
Article
1. Les Juifs devront quitter les îles dans un délai de 3 mois après publication
de l’édit.
Article
2.
a)
Les esclaves devront tous être baptisés
et instruits dans la religion catholique.
b)
Les esclaves nouvellement achetés
devront être déclarés aux autorités qui les feront instruire et baptiser.
Article
3. Interdiction de tout exercice public d’une religion autre que catholique.
Article
4. Les « commandeurs préposés à la direction des Nègres » doivent
professer la religion catholique.
Article
5. Il est interdit aux protestants empêcher le culte catholique, y compris chez
leurs esclaves.
Article
6.
a)
Tous doivent observe les dimanches et les jours de fêtes de l’Église
catholique.
b)
Il est interdit de faire travailler les
esclaves ces mêmes jours.
Article
7. Il est interdit de tenir le marché aux esclaves ces mêmes jours.
Article
8. Les mariages des sujets non catholiques ne seront plus reconnus et les
enfants de ces unions seront considérés comme des bâtards.
Article
9.
a)
Les hommes libres qui auront un enfant d’un concubinage avec une esclave seront
punis d’une amende de 2 000 « livres de sucre ».
b)
S’il s’agit du maître de l’esclave, celle-ci et les enfants seront confisqués
au profit de l’Hôpital.
c)
Aucune peine ne sera appliquée si le
contrevenant (célibataire) épouse l’esclave, qui sera affranchie par le fait de
ce mariage ; les enfants seront affranchis et légitimés.
Article
10. Tous les mariages auront lieu selon les formes prévues, sauf une exception :
pour les esclaves seul le consentement du maître sera nécessaire.
Article
11.
a)
Il est interdit aux curés de marier des esclaves sans le consentement de leur
maître.
b)
Il est interdit aux maîtres d’exercer
des contraintes sur leurs esclaves pour les marier contre leur gré.
Article
12. Les enfants d’un mariage entre esclaves appartiendront au maître de la
femme esclave.
Article
13.
a)
Les enfants d’un esclave et d’une femme libre seront libres.
b)
Les enfants d’une esclave et d’un homme libre seront esclaves.
Article
14.
a)
Les maîtres feront inhumer les esclaves baptisés en terre sainte.
b)
Les esclaves non baptisés seront inhumés dans un champ voisin du lieu de leur
décès.
Article
15. Il est interdit aux esclaves de porter des armes offensives ou des gros
bâtons (fouet et confiscation des armes), sauf s’ils sont envoyés à la chasse
par leur maître et pourvus d’un billet.
Article
16. Il est interdit aux esclaves de différents maîtres de se réunir chez un des
maîtres ou dans l’espace public (fouet et fleur de lys au minimum ; la
mort en cas de récidives).
Article
17. Les maîtres qui toléreraient de telles réunions seront sanctionnés (10
écus ; 20 écus en cas de récidive).
Article
18. Il est interdit aux esclaves de vendre des cannes de sucre (fouet), même
avec la permission du maître (10 livres d’amende) ; l’acheteur sera
sanctionné (10 livres).
Article
19. Il est interdit aux esclaves de vendre quoi que ce soit sur le marché ou
dans les maisons particulières, sauf avec la permission du maître (confiscation
des marchandises au profit du maître) ; l’acheteur sera sanctionné (6
livres au profit du maître).
Article
20. Deux personnes seront préposées pour contrôler les esclaves présents sur
les marchés.
Article
21. Tout sujet a le droit de confisquer lui-même (et arbitrairement) les biens
transportés illégalement par des esclaves.
Article
22.
a)
Les maîtres devront fournir à leurs
esclaves de plus de 10 ans une quantité hebdomadaire spécifiée de nourriture.
b)
Pour les esclaves de moins de 10 ans (sevrés), la quantité sera de la moitié.
Article
23. Il est interdit de donner aux esclaves de l’eau-de-vie de canne pour tenir
lieu de nourriture.
Article
24. Il est interdit de se décharger du
soin de nourrir les esclaves en leur accordant le droit de travailler pour leur
compte une partie de la semaine.
Article
25.
a)
Les maîtres devront fournir annuellement
2 habits de toile ou 4 aulnes de toile.
Article
26. Les esclaves qui ne bénéficient pas
des quantités prévues pourront le signaler directement au procureur.
b)
Le procureur poursuivra d’office les maîtres qui ne respectent pas leurs
obligations s’ils en sont informés autrement.
Article
27.
a)
Les maîtres ont l’obligation de nourrir
et entretenir leurs esclaves infirmes (« par vieillesse, maladie ou
autrement »).
b)
Les esclaves abandonnés par leur maître
seront placés à l’Hôpital et les maîtres devront lui payer 6 sous par jour.
Article
28.
a)
Les
esclaves ne peuvent rien posséder qui ne soit la propriété de leur maître.
b)
Aucune
disposition prise par un esclave relativement à ce qu’il possède n’a donc de valeur
juridique.
Article
29. Questions relatives aux dettes des esclaves suite à des opérations
commerciales.
Article
30.
a)
Les
esclaves ne peuvent exercer aucune fonction publique, et ne peuvent être agents
que de leur maître.
b)
Ils
ne peuvent pas être arbitres ou expert, ni témoigner en justice.
c)
Leurs dépositions n’ont d'intérêt que pour aider les juges à
« s’éclaircir », mais n'ont pas de valeur pour soutenir une présomption, une conjecture, ou une preuve.
Article
31.
a)
Les
esclaves ne peuvent être ni demandeurs, ni défendeurs en matière civile, ni
être partie civile en matière criminelle.
b)
Seuls les maîtres peuvent agir au nom des intérêts de leurs esclaves.
Article
32.
a)
En matière criminelle, les esclaves peuvent être poursuivis sans l’autorisation
de leur maître.
b)
La procédure en matière criminelle sera
la même que pour les hommes libres.
Article
33. L’esclave
qui frappe son maître, l’épouse de son maître ou les enfants de son maître soit
au visage, soit en faisant couler son sang, sera puni de mort.
Article
34. Les
voies de fait des esclaves contre des personnes libres seront sévèrement
punies, le cas échéant jusqu'à la peine de mort.
Article
35. Les
vols qualifiés seront punis de peines afflictives pouvant aller jusqu'à la
mort.
Article
36. Les
vols moins graves pourront être punis des verges et de la fleur de lys.
Article
37. Le maître d’un esclave qui a volé quelqu'un devra soit réparer le tort,
soit céder l’esclave au demandeur.
Article
38.
a)
L’esclave fugitif pendant un mois aura les oreilles coupées et sera marqué de
la fleur de lys.
b)
En cas de récidive, il aura le jarret coupé.
c)
En cas de seconde récidive, il sera puni de mort.
Article
39. Les affranchis qui auront hébergé un esclave fugitif seront condamnés à une
amende de 300 livres de sucre par jour d’hébergement au profit du maître.
Article
40. Indemnisation du maître dont un esclave a été puni de mort suite à sa
dénonciation par le maître.
Article
41. Interdiction aux juges, procureurs et greffiers de prendre de
« taxe » dans les procès criminels contre les esclaves (concussion).
Article
42.
a)
Les
maîtres peuvent faire enchaîner les esclaves et les faire battre de verges ou
de cordes.
b)
Il leur est interdit de les faire
torturer, ou de les faire mutiler (confiscation)
Article
43.
a)
Les officiers royaux devront engager des
poursuites criminelles contre les maîtres ou les commandeurs qui auront tué un
esclave.
b)
Ils devront punir le maître selon
« l’atrocité des circonstances ».
c)
ils pourront absoudre un maître ou un commandeur sans en référer au roi.
Article
44. Les esclaves font partie des biens meubles (énumération des conséquences en ce qui concerne les successions : notamment, le droit d'aînesse ne s'exerce pas en ce qui les concerne)
Article
45. (voir le texte original)
Article
46. Procédure générale pour les esclaves dans le cas des saisies : la même procédure que celle applicable aux biens meubles, « aux exceptions suivantes ».
Article
47. Cas particulier des esclaves mariés et de leurs enfants impubères appartenant à un même maître (sanction : les esclaves gardés par un maître sont confisqués et remis à l'acquéreur des autres).
Article
48. Cas des esclaves travaillant dans les « sucreries, indigoteries et
habitations » : les biens immeubles ne peuvent être saisis sans ces esclaves.
Article
49. Cas des esclaves travaillant dans ces établissements : les enfants d'esclaves nés pendant une période de saisie ne peuvent pas être décomptés du fermage dû par les fermiers judiciaires.
Article
50. Cas des esclaves travaillant dans ces établissements : obligation de spécifier les naissances et décès d'esclaves intervenus au cours d'une période de saisie.
Article
51. Lors du règlement des créanciers, les sommes sont réparties sans opérer de partage entre la valeur du fonds et celle des esclaves.
Article
52. Le paiement des droits féodaux et seigneuriaux est fondé seulement sur la valeur du fonds..
Article
53. (en cas de partage du fonds) les fonds issus du partage ne peuvent être pris sans les esclaves et les esclaves ne peuvent pas être retenus par l'adjudicataire.
Article
54.
a) Les administrateurs de fonds saisis doivent traiter les esclaves « comme bons pères de famille ».
b) Dans ce cas (« sans leur faute »), ils ne sont pas redevables d'indemnités en cas de décès ;
c) Ils ne peuvent pas garder pour eux les enfants nés pendant leur administration.
a) Les administrateurs de fonds saisis doivent traiter les esclaves « comme bons pères de famille ».
b) Dans ce cas (« sans leur faute »), ils ne sont pas redevables d'indemnités en cas de décès ;
c) Ils ne peuvent pas garder pour eux les enfants nés pendant leur administration.
Article
55. Les maîtres ont le droit d’affranchir leurs esclaves à partir de l’âge de 20 ans, sans que leur famille puisse intervenir bien qu'ils ne soient pas majeurs.
Article
56. Les esclaves nommés légataires universels, exécuteurs testamentaires ou
tuteurs des enfants du maître sont considérés comme affranchis.
Article
57.
a) Les esclaves affranchis dans les îles françaises sont considérés comme nés dans ces îles, et donc français, même s’ils sont en réalité nés ailleurs.
b) Ils n’ont pas besoin de lettre de naturalité.
a) Les esclaves affranchis dans les îles françaises sont considérés comme nés dans ces îles, et donc français, même s’ils sont en réalité nés ailleurs.
b) Ils n’ont pas besoin de lettre de naturalité.
Article
58.
a)
Les affranchis doivent un respect particulier à leur ancien maître, à son
épouse et à ses enfants.
b)
S’ils leur font injure, elle sera punie plus gravement que pour un autre.
c)
Ils n’ont aucun autre devoir envers eux et les anciens maîtres ne peuvent
émettre aucune revendication sur leurs personnes ou leurs biens.
Article
59. Les affranchis ont les mêmes droits et obligations que les personnes nées
libres.
Article
60. Les confiscations et amendes pour lesquelles il n’a pas été spécifié de
destination, reviendront pour deux-tiers aux officiers receveurs et pour un
tiers à l’hôpital de l’île où elles ont été ordonnées.
À venir
*Défense sur les principes : le problème de la « justice historique
rétrospective »
Création : 24 juin 2020
Mise à jour : 13 juillet 2020 (mise au point du résumé)
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 84. L'affaire Colbert 3 Résumé de l'édit de 1685
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2020/06/laffaire-colbert-3-resume-de-ledit-de.html
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