Le texte de la loi de 1851 instaurant le
« double droit du sol » et quelques informations complémentaires
Classement : législation ; France
Sources
*Janine Ponty, L’Immigration dans
les textes France, 1789-2002, Paris, Belin, coll. « Histoire »,
2003, ISBN 2-7011-1372-5 (page 36)
*Jean-Baptiste Duvergier, Collection complète
des lois, décrets, ordonnances, règlements, tome 51, Paris, 1851 (pages
41-45 disponible
sur Gallica)
Vue d’ensemble
La loi de 1851 ajoute un élément nouveau à la disposition
du Code civil concernant l’acquisition de la nationalité française, qui reste
en vigueur (article 9 : l’enfant né en France d’un étranger qui n’y est
pas né a la possibilité de « réclamer » la nationalité française à sa
majorité) : désormais, l’enfant né en France d’un étranger né en France devient
français dès sa naissance, mais peut renoncer à cette nationalité à sa majorité
et adopter la nationalité de ses parents.
Cette possibilité de « décliner la qualité de Français »
a été supprimée par la loi
du 26 juin 1889.
La loi de 1851 est très courte ; je publie en même temps
les deux notes données dans le livre de Jean-Baptiste Duvergier, qui sont beaucoup plus longues, surtout la première.
Texte
« 7-12 février 1851
Loi concernant les individus nés en France d'étrangers qui
eux-mêmes y sont nés, et les enfants des étrangers naturalisés (1). (X, Bull.
CCCLII, n. 2730.)
Art. 1er. Est
Français tout individu né en France d'un étranger qui lui-même y est né, à
moins que, dans l’année qui suivra l'époque de sa majorité, telle qu'elle est
fixée par la loi française, il ne réclame la qualité d'étranger par une
déclaration faite, soit devant l'autorité municipale du lieu de sa résidence,
soit devant les agents diplomatiques ou consulaires accrédités en France par le
gouvernement étranger (2).
2. L'article 9 du Code civil est applicable aux enfants de
l'étranger naturalisé, quoique nés en pays étranger, s’ils étaient mineurs lors
de la naturalisation (3).
A l'égard des enfants nés en France ou à l'étranger, qui
étaient majeurs à cette même époque, l'article 9 du Code civil leur est
applicable dans l'année qui suivra celle de ladite naturalisation (4).
Notes
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(1) Proposition Raulin et Benoît-Champy ; rapport sur la
prise en considération par M. de Coètlosquet le 9 janvier 1850 (Mon[iteur]. du 12) ;
discussion et adoption le 5 juin (Mon. du 6 ; rapport par M. Benoît-Champy le
30 décembre (Mon. du 6 janvier 1851) ; 1° lecture le 22 janvier (Mon. du
23) ; 2° lecture le 29 janvier (Mon. du 30 ; 3° lecture le 7 février (Mon. du
8).
« Messieurs, a dit M. Benoît-Champy dans son rapport,
sous notre ancienne législation [avant la Révolution], la qualité de Français était attachée au fait
seul de la naissance sur le territoire français. Ce principe, conforme au
droit presque général de l'Europe, et qui dérivait de cette règle de droit
public, que la souveraineté sur la terre emportait la souveraineté sur la
personne, fut admis par les diverses Constitutions qui, de 1791 à l'an 8, ont
successivement régi la France ; mais il a été proscrit par le Code civil, qui a
fait dépendre la nationalité de la filiation, en réservant toutefois la
nationalité française à l'enfant de l'étranger né en France [=l'enfant né en France d'un père étranger], pourvu qu'il en
réclamât le bénéfice dans l'année de sa majorité ; telle est la disposition de
l'article 9 du Code civil, suivant lequel « l'individu né en France d'un
étranger peut, dans l'année qui suit l’époque de sa majorité, réclamer la qualité
de français, pourvu que, dans le cas où il résiderait en l'rance, il déclare
que son intention est d'y fixer son domicile, et que, dans le cas où il
résiderait en pays étranger, il fasse sa soumission de fixer en France son
domicile, et qu'il l'y établisse dans l'année, à compter de l'acte de
soumission.
On sait que cette dérogation à notre ancien droit n'a pas
été adoptée sans une vive opposition : le premier consul l'a combattue
énergiquement dans la discussion du conseil d'Etat. "Il ne peut y avoir,
disait-il, que de l'avantage à étendre l'empire des lois civiles françaises...
Les fils d'étrangers qui se sont établis en grand nombre en France, ont
l'esprit français, les habitudes françaises : ils ont l’attachement que chacun
porte naturellement au pays qui l'a vu naître." Ce sentiment avait
prévalu dans le conseil d'Etat, mais il fut rejeté au tribunat : le principal
motif de ce rejet fut qu'il serait bizarre qu'un étranger devînt Français de
plein droit, par ce seul fait que sa mère, en traversant la France, l'aurait
mis au jour sur une terre étrangère à elle-même, à son mari, à leurs familles,
et où cet enfant ne reparaîtrait peut-être jamais. Par suite des conférences
qui eurent lieu entre les sections de législation de ces deux grands corps, le
conseil d'Etat ayant fini par se ranger à l'opinion du tribunat, l'article 9 du
Code civil fut voté avec l'ensemble du projet de loi ayant pour titre : De la
jouissance et de la privation des droits civils.
Mentionnons, pour n'en plus parier, que la
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seule modification qui ait été faite à l'article 9 du Code
civil, résulte de la loi votée par l'Assemblée constituante, le 22 mars 1849 ;
suivant cette loi, l'étranger né en France et qui n'a pas fait dans l'année qui
suit l'époque de sa majorité la réclamation de la qualité de Français est
relevé de la déchéance prononcée contre lui, et devient apte à faire cette
réclamation à toute époque de sa vie, pourvu qu'il ait satisfait à la loi du
recrutement, qu'il serve ou qu'il ait servi dans les armées françaises de terre
ou de mer.
Si la mesure proposée par le conseil d'Etat était trop
absolue à l'égard des étrangers nés accidentellement en France, parce qu'une
origine de hasard, non suivie d'établissement, n'est pas une suffisante
garantie d'attachement à la terre natale, la disposition proposée par le
tribunat et formulée dans l'article 9 du Code civil n'était-elle pas à son tour
beaucoup trop large, au moins en ce qui concernait les étrangers nés en France
d'étrangers qui eux-mêmes y étaient nés ? Ces étrangers, qui, a. la suite
d'un long séjour sur la terre française, avaient oublié la langue et
quelquefois même jusqu'au nom du pays dont leurs ancêtres étaient originaires,
n'étaient-ils pas Français de fait et d'intention, par les affections, les
mœurs et les habitudes ? N'y avait-il pas de graves inconvénients à
tolérer l'établissement, sur notre territoire, d'individus destinés, quel que
fût le nombre des générations qui se succéderaient, à rester indéfiniment
étrangers à la grande famille française ? L'expérience a bientôt démontré
que ces craintes n'étaient .pas chimériques. La plupart des fils d'étrangers
nés en France, pour se soustraire aux charges qui pèsent sur les Français, et
particulièrement à celle du recrutement, s'abstenaient de faire la déclaration
prescrite par l'article 9 du Code civil. Il y a plus : si, par erreur, ils
étaient portés sur la liste du contingent cantonal, et désignés par le sort,
ils se bornaient alors à réclamer la qualité d'étranger, et celte tardive
réclamation suffisait, et suffit encore, pour les exempter du service
militaire, mais en condamnant à ce service de jeunes Français qui devaient en
être exemptés par leurs numéros. Ces privilèges sont d'autant plus odieux, que,
généralement, ces étrangers prennent leur part dans les affouages, dans les
pâtis communaux, et qu'ils jouissent des droits civils, quelquefois même des
droits politiques les plus importants. Confondus avec les Français, possédant
seuls le secret de leur extranéité, ils sont Français ou étrangers suivant leur
convenance ; Français, s'ils ont à recueillir le bénéfice de nos lois ;
étrangers, s'ils ont à remplir les devoirs qu'impose la nationalité. Leur
situation a paru si avantageuse à la population française elle-même, que, dans
nos campagnes, des pères de famille, lorsqu'il s'agit de l'établissement de
leurs filles, donnent à ces étrangers la préférence sur les Français, parce que
les enfants qui naissent de ces unions, deviendront étrangers, et, par suite,
se trouveront affranchis des obligations qui pèsent sur nos nationaux.
Sous le dernier gouvernement, le législateur avait cherché
un remède aux inconvénients résultant des dispositions de l'article 9 du Code
civil ; en 1831, le rapporteur du projet de loi relatif au recrutement de
l'armée, l'honorable M. Passy (de l'Eure) avait insisté avec force sur la
nécessité de ne plus laisser aux étrangers le droit exorbitant de vivre et de
mourir sous la protection des lois d'un Etat sans participer à ses charges. La
commission avait même présenté un amendement ainsi conçu : « Tout individu
né en France de parents étrangers et domiciliés depuis plus de vingt ans sera
Français de plein droit, et, comme tel, soumis aux obligations imposées par la
loi de recrutement, dans l’année qui suivra celle où il aura atteint l'époque
de sa majorité, à moins qu'il ne fasse dans le mois, à partir de cette époque,
la déclaration qu'il renonce à jouir du bénéfice de l'article 9 du Code
civil. » Ne pourra néanmoins être admis à faire cette déclaration celui
dont le père, l'ayant faite pour son propre compte, aurait continué à résider
en France. Si cet amendement, repris sous une autre forme par M. de Cessac, à
la Chambre des. Pairs, ne fut pas adopté, il est permis de croire que ce fut
dans la crainte de modifier, par une disposition jetée incidemment dans une loi
spéciale, les conditions essentielles de nationalité réglées par le Code civil.
Toutefois ces tentatives de réforme prouvent combien les
esprits sérieux étaient déjà frappés à cette époque des conséquences d'un abus
qui n'a fait que s'aggraver avec le temps. En effet, depuis, un demi-siècle que
le Code civil est promulgué, les familles des étrangers se sont tellement
multipliées en France, qu'il y a sur nos frontières des villages où elles
forment le dixième de la population : que serait-ce, dans quelques années, si
le législateur n'avisait aux moyens de régulariser cette situation
anormale ? Ces considérations ont déterminé MM. Raulin et Benoît-Champy à
soumettre à l'Assemblée une proposition suivant laquelle « tout individu
serait Français de plein droit lorsqu'il serait né en France d'un étranger, qui
lui-même y serait né et y résiderait ou serait décédé y résidant. » On voit
que, sans revenir aux dispositions absolues de notre ancien droit, et sans détruire
celles du Code civil, celte proposition tendait à régulariser la condition des
étrangers en France, et à restituer à la grande famille française une
homogénéité qui doit s'altérer de plus en plus avec l'état de choses actuel ;
prise en considération par l'Assemblée, à la suite d’un rapport favorable de la
commission d'initiative parlementaire, elle a été renvoyée par vos bureaux à
une commission spéciale ; nous venons, Messieurs, vous rendre compte du
résultat de nos délibérations.
Votre commission, d'accord avec M. le garde des sceaux et
M. le ministre des affaires étrangères, qui ont été appelés dans son sein, a
été unanime, pour proclamer l'incontestable utilité du principe contenu dans la
proposition de MM. Raulin et Benoît-Champy ; mais elle a pensé qu'il était
nécessaire d'en modifier la rédaction, et celle que nous vous proposons n'a été
adoptée qu'après une discussion longue et sérieuse. En effet, elle s'est
trouvée, dès l'abord, placée sous l'empire d'une grave préoccupation. Adopter
purement et simplement la proposition et rendre Français de plein droit
l'étranger né en France, même à la seconde génération, n'était-ce pas encourir
le reproche qu'on adressait à notre ancienne législation de faire des Français
malgré eux? Mais surtout n'était-ce pas compromettre l'état de nos compatriotes
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résidant en pays étranger, et provoquer de la part des
gouvernements de ces pays des mesures analogues à celles qui frapperaient leurs
nationaux en France? Ne convenait-il pas, dès lors, de ne procéder qu'avec une
sage réserve, et de manière que les effets d'une fâcheuse réciprocité ne
vinssent pas atteindre ceux de nos compatriotes qui, pour être établis depuis
longues années en pays étranger, n'ont jamais perdu l'esprit de retour, ni
voulu briser les liens qui les rattachent à leur patrie ? Ces
considérations, invoquées avec force par M. le ministre des affaires
étrangères, étaient trop puissantes pour que votre commission ne cherchât pas
avec un soin scrupuleux toutes les garanties de protection qu'il était possible
de donner à nos nationaux. Il lui a paru que la plus sérieuse de toutes
consistait à laisser à l'étranger que la nationalité française va saisir, le
droit, par une déclaration émanée de sa libre volonté, de décliner cette
nationalité, et de revendiquer celle qu'il tient de ses ancêtres. Elle a donc
adopté une disposition suivant laquelle l'étranger pourra toujours conserver sa
nationalité par une déclaration faite, soit devant l'autorité municipale du
lieu de sa résidence, soit devant les agents diplomatiques ou consulaires
accrédités en France par le gouvernement du pays de ses auteurs.
Ainsi, non seulement le titre de Français ne sera imposé a
aucun individu contre sa volonté ; mais encore les Français seront garantis
contre les mesures de réciprocité que pourraient prendre envers eux les
gouvernements des pays où ils résident, et, par ce moyeu, votre commission a
donné une complète satisfaction aux légitimes sollicitudes de M. le ministre
des affaires étrangères.
Les raisons qui précèdent suffisent pour expliquer comment
votre commission a repoussé, à la presque unanimité, une proposition qui avait
pour objet de revenir aux principes absolus de notre ancien droit, et de
déclarer Français tout individu né en France ; nous ajouterons seulement que
votre commission n'a pas voulu détruire l'article 9 du Code civil, parce qu'il
lui a paru que ce n'était pas sans de graves motifs, que l'on devait abolir une
disposition fondamentale de notre code, et qu'elle a trouvé que la proposition
de MM. Raulin et Benoît-Champy, si elle était adoptée en principe, remédiait,
dans une juste mesure, aux inconvénients de la législation actuelle.
D'ailleurs, l'Assemblée législative s'était déjà nettement prononcée sur cette
question, en rejetant, lors de la discussion de la loi du 3 décembre 1849 sur
la naturalisation, un amendement dont le but était précisément le retour à
l'ancienne législation.
Ces premières difficultés écartées, votre commission s'est
demandé à quel âge il convenait d'imposer à l'étranger l'obligation de faire sa
déclaration ; au premier abord, il avait paru désirable de l'exiger avant l'âge
de vingt et un ans, afin que les individus auxquels le projet de loi serait
applicable fussent immédiatement soumis à la loi de recrutement, qui appelle au
tirage au sort tous les Français ayant atteint l'âge de vingt ans révolus dans
le courant de l'année précédente ; cette mesure aurait sans aucun doute
simplifié les opérations du recrutement, et rendu moins fréquentes les erreurs
dont les conséquences atteignent si abusivement nos nationaux.
Mais, quelque grave que fût cette considération,
n'était-ce pas enfreindre ce principe tutélaire de notre droit, qui ne répute
la capacité d'un citoyen complètement acquise qu'à sa majorité? Jusqu'à celte
époque, la loi ne suppose à aucun individu ni assez de lumières, ni assez
d'expérience pour contracter le plus simple engagement ; eût-il été rationnel
d'exiger l'un des actes les plus essentiels de la vie, le plus solennel de tous
peut-être, le choix d'une patrie, choix qui doit modifier si profondément
l'état présent et à venir, au point de vue civil comme au point de vue
politique ? Votre commission ne l'a pas pensé. Laissant donc à la loi
spéciale sur le recrutement le soin de régler l'appel et le tirage au sort des
étrangers devenus Français faute d'une déclaration d'extranéité, de même
qu'ils sont réglés par l'article 8 de la loi du 21 mars 1832, en ce qui
concerne les étrangers devenus Français, par l'effet de la déclaration
prescrite par l'article 9 du Code civil, elle a voulu que la déclaration de
l'étranger ne fût exigée que dans, l'année qui suivrait l'époque de la majorité
fixée par la loi française, afin que son choix fût libre, éclairé et
consciencieux.
Vous remarquerez, Messieurs, que votre commission n'a pas
maintenu dans la proposition de MM. Raulin et Benoît-Champy la disposition
suivant laquelle le père de l'étranger né en France devait y résider ou être
décédé y résidant, pour imprimer à son fils né également en France la qualité
de Français. Notre Code civil, notamment dans les articles 9, 13 et 14
contient, il est vrai, des dispositions analogues relativement à la résidence ;
mais votre commission, d'accord avec les auteurs de la proposition, a supprimé
ces mots, afin d'éviter les difficultés souvent délicates à résoudre, que
soulèvent les questions de résidence ; elle a préféré le texte net et précis
que nous vous soumettons.
« Il ne nous reste plus qu'à vous rendre compte d'une
disposition additionnelle concernant les enfants des étrangers naturalisés.
Votre commission a pensé que cette disposition, dont l'objet est de rendre
applicable à ces enfants l'article 9 du Code civil, trouvait naturellement sa
place à la suite de l'article du projet de loi qui détermine la condition des
enfants d'étrangers nés en France, et qu'elle en était le complément
nécessaire.
Les épreuves sévères auxquelles la loi du 3 décembre 1849
a soumis l'étranger, avant de lui conférer le bénéfice de la naturalisation,
sont sans aucun doute une suffisante garantie que les personnes indignes ne
seront jamais admises au sein de la grande famille française; or, si
l'étranger, après avoir traversé avec succès ces diverses épreuves, a mérité et
obtenu le titre de Français, n'existe-t-il point en faveur de son fils une sorte
de présomption d'aptitude à le mériter et à l'obtenir à son tour? D'ailleurs,
quelle différence établir entre l'enfant de l'étranger né en France et l'enfant
de l'étranger naturalisé ? Si l'un puise le droit de devenir Français dans un
événement de pur hasard, dans le fait d'être né accidentellement en France d'un
père pour lequel la terre française sera toujours une terre indifférente et
peut-être ennemie, l'autre ne saurait-il puiser un droit analogue, soit dans
l’attachement que son père a voué la France, et dans les services éclatants
qu'il a
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pu lui rendre, soit dans un acte émané de sa libre volonté,
et qui lui a fait solliciter, pendant dix années et avec une énergique
persévérance, le titre de citoyen français ? Comment révoquer en doute l'affection
et la fidélité à sa nouvelle patrie d'un fils qui, à l'exemple de son père,
imbu des mêmes idées, pénétré des mêmes sentiments, revendique cette patrie
d'adoption de préférence à celle où il a reçu le jour ? Au point de vue
politique, on ne voit donc aucune raison sérieuse à opposer à cette demande;
mais au point de vue moral, elle est encore plus digne de l'intérêt du
législateur : n'est-il pas désirable, en effet, que l'enfant n'ait pas une
autre patrie que son père, parce que des nationalités différentes tendent à
diviser les membres d'une même famille en y créant de regrettables oppositions
d'intérêts ? N'est-ce pas sous l'influence de ces principes, qui ont leurs
racines dans les sentiments les plus naturels, que le Code civil a proclamé que
la femme française qui épouserait un étranger, de même que la femme étrangère
qui épouserait un Français, suivrait la condition du mari? Or, s'il a paru
moral que la condition des époux ne fût pas différente, il doit être également
moral et par conséquent utile que les enfants suivent aussi la condition de
leur père et de leur mère. Autrement on verrait se produire les contrastes les
plus choquants : dans une même famille, où l'unité est si nécessaire, on
pourrait compter à la fois un père étranger, qui, après avoir épousé une
Française, serait devenu Français par la naturalisation, et aurait ainsi
restitué à sa femme la qualité de Française, et des enfants dont les uns
seraient étrangers parce qu'ils seraient nés avant la naturalisation de leur
père, et les autres Français, parce qu'ils seraient nés postérieurement à
cette naturalisation ! Votre commission n'a pas hésité à repousser une pareille
anomalie, et elle a admis sans difficulté l'article que nous vous proposons
d'adopter.
Il est inutile de faire observer que celte disposition
n'est applicable qu'aux enfants de l'étranger nés avant la naturalisation ;
ceux dont la naissance est postérieure ont été saisis d'une nationalité qui
leur est propre et qui n'a besoin d'aucune sanction nouvelle; ils sont Français
de droit, puisqu'ils sont nés d'un Français; quant à ceux qui, mineurs lorsque
leur père a obtenu l'autorisation de fixer son domicile en France, seraient
devenus majeurs et auraient dépassé l'époque fatale fixée par l'article 9 du
Code civil, pour réclamer la qualité de Français, avant que les lettres de
naturalisation ne fussent accordées, il était juste de leur réserver le
bénéfice de cet article ; mais il fallait limiter le temps pendant lequel celte
réclamation pourrait être faite, et le délai d'une année, à partir du jour où
les lettres de naturalisation auront été accordées, a paru à votre commission
suffisant et convenable.
Ainsi, et pour résumer dans son ensemble le système que
nous venons d'exposer, si l'Assemblée adopte la proposition de MM. Raulin et
Benoît Champy, telle qu'elle est formulée par votre commission, l'article 9 du
Code civil se coordonnerait et se relierait de la manière suivante avec la loi
du 22 mars 1849 et les dispositions du présent projet de loi :
« 1°Tout individu né en France d'un étranger pourra
devenir Français en réclamant celte qualité dans l'année qui suivra l'époque de
sa majorité (article 9 du Code civil) ;
« 2° Si le terme fatal ci-dessus prescrit est expiré
sans qu'il ait fait sa réclamation, il pourra néanmoins la faire à toute époque
de sa vie, pourvu qu'il ait satisfait à la loi du recrutement, qu'il serve ou
qu'il ait servi sous les drapeaux français {loi du 22 mars 1849).
« 3° S'il est né en France d'un étranger qui lui-même y
serait né, il sera Français de plein droit, à moins qu'il ne fasse une
déclaration contraire, dans l'année qui suit l'époque de sa majorité, soit
devant l'autorité municipale du lieu de sa résidence, soit devant l'agent
diplomatique ou consulaire de son pays (projet de loi actuel).
« 4° Enfin, si l'étranger est né en pays étranger, d'un
père qui aura obtenu sa naturalisation, il pourra user du bénéfice de l'article
9 du Code civil, soit à sa majorité, soit dans l'année, à compter du jour où
les lettres de naturalisation auront été délivrées, si, mineur au moment où son
père a formé sa demande en naturalisation, il a dépassé l'époque fixée par
l'article 9 du Code civil, avant que la naturalisation n'ait été concédée
(projet de loi actuel).
(2) L'article du projet de la commission était ainsi conçu :
« Sera Français tout individu né en France d'un étranger
qui, lui-même, y est né, si, dans l'année qui suivra l'époque de sa majorité,
fixée par la loi française, il n'a pas réclamé la qualité d'étranger par une
déclaration faite, soit devant l'autorité municipale du lieu de sa résidence,
soit devant les agents diplomatiques ou consulaires accrédités en France parle
gouvernement du pays de son auteur. »
La rédaction qui forme l'article 1er de la loi nouvelle a
été proposée par M. Valette. La commission l'a adoptée; et, lors de la seconde
lecture, l'Assemblée l'a votée sans observation.
Cette rédaction modifie celle du projet quant à la forme ;
elle la modifie aussi quant au fond. Voici en quoi :
L'article du projet rédigé au futur : « Sera Français, etc.
» ne concernait ou du moins semblait ne concerner que les individus qui
seraient nés depuis la promulgation de la loi dont on s'occupait. L'auteur de
l'amendement a pensé qu'il fallait aller plus loin, et étendre la loi à ceux
dont la naissance serait antérieure à sa promulgation ; que, si telle était
l'intention de la commission, il convenait de l'exprimer d'une manière plus
précise ; que , pour cela , il suffirait d'opérer dans la rédaction un
changement fort simple et qui consistait à mettre au présent le verbe qui était
au futur.
Il va sans dire qu'en conférant dès aujourd'hui la qualité
de Français aux individus qui sont déjà nés, la loi ne viole pas le principe de
non rétroactivité. On sait en effet que ce principe n'est pas absolu ; que les
lois favorables sont rétroactives. (Voy. ma note sur l'article 19 de la loi du
17 avril 1832, et sur l'article 2 de la Constitution de 1848) D'ailleurs il ne
faut pas oublier que si les personnes dont il s'agit préfèrent la qualité
d'étranger, elles peuvent la réclamer dans l'année qui suivra l'époque de leur
majorité.
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(3) La disposition correspondante du projet de la commission
portait : « Les dispositions de l'article 9 du Code civil sont applicables aux
enfants mineurs de l'étranger nés avant sa naturalisation. »
Cette disposition ne distinguait pas entre les enfants nés
en pays étranger et ceux qui étaient nés en France. Les termes généraux dans
lesquels elle était conçue comprenaient les uns et les autres. Cependant les
auteurs du projet n'avaient eu probablement en vue que les premiers. Quant aux
autres, l'article 9 leur était incontestablement applicable, et il était
inutile de statuer à nouveau. C'est avec raison qu'on a limité, le nouveau
paragraphe aux enfants nés en pays étranger. Cette rédaction est l'œuvre de M.
Valette.
Il convient de faire remarquer que ces enfants étant
étrangers, la question de savoir si, lors de la naturalisation de leur père,
ils étaient mineurs ou majeurs, doit se décider d'après la loi étrangère.
Voy. ma note sur les n. 261 du 1.1" de Toullier.
(4) La seconde partie de l'article du projet de la
commission disposait en ces termes : « A l'égard des enfants qui auront
dépassé l'époque fixée par l'article 9 du Code civil, sans qu'il ait été fait droit
à la demande en naturalisation de leur père, ils pourront faire leur
réclamation dans l'année qui suivra celle où les lettres de naturalisation
auront été obtenues. »
En rapprochant cette rédaction des termes du rapport, on
voit qu'il s'agissait dans ce paragraphe des enfants de l'étranger qui, mineurs
au moment où leur père a formé sa demande en naturalisation, auraient dépassé
l'époque fixée par l’article 9 du Code civil avant que la naturalisation n'eût
été accordée.
Ainsi le projet laissait en dehors de ses dispositions les
enfants de l'étranger nés soit en France, soit en pays étranger, et qui étaient
mineurs au moment où leur père avait formé sa demande en naturalisation.
La nouvelle rédaction accorde à ceux-ci le bénéfice que
l'article du projet avait limité aux premiers. Les motifs déduits au rapport
pour justifier la disposition primitive s'appliquent tout à fait à.
l'amendement. »
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Création : 1° mars 2015
Mise à jour :
Révision : 15 septembre 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Territoires
Page : 35. La loi du 7 février 1851 sur la nationalité française
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2015/03/la-loi-de-1851-sur-la-nationalite.html
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