Quelques informations sur la lettre de Daniel Cohn-Bendit à
François Missoffe en février 1968
Classement : la procédure d'expulsion de février 1968
Ceci est une annexe des pages consacrées à l’apatridie de
Daniel Cohn-Bendit (cf Daniel
Cohn-Bendit a-t-il vraiment été apatride ?) et, plus particulièrement, d'une
des pages consacrées à la procédure d’expulsion qu’il a encourue en février
1968 (cf. Daniel
Cohn-Bendit apatride Annexe 2 (a) Le mémoire en défense de François Sarda), dans laquelle j’étudie le texte (« mémoire en
défense ») rédigé par l’avocat François Sarda pour défendre Daniel
Cohn-Bendit devant la commission d’expulsion de la préfecture de police du 16
février 1968, suite, notamment, à des propos échangés le 8 janvier 1968 avec le
Ministre de la Jeunesse et des Sports, François Missoffe.
Présentation
Une des pièces jointes à ce mémoire est la lettre adressée par Daniel
Cohn-Bendit à François Missoffe ; elle est reproduite dans le livre
d’Emeline Cazi, Le Vrai Cohn-Bendit, pages 302-304 ; j’en
donne ci-dessous quelques extraits. J’ai supprimé la plus grande partie de ce
qui a trait à l’échange de propos avec le ministre, qui n’a pas d’intérêt pour le sujet
de la nationalité de Daniel Cohn-Bendit.
Cette lettre est évoquée dans le journal Le Monde du 17 février 1968 (page 10) :
« Après les incidents de Nanterre, M. Cohn-Bendit a comparu devant la
commission d’expulsion »
L’article mentionne le mémoire en défense de François Sarda
et la lettre de Daniel Cohn-Bendit à François Missoffe.
« En réponse, le Ministre lui a écrit qu’il ne retenait
pas l’incident et l’a invité à venir le voir afin d’avoir avec lui une
discussion générale sur la jeunesse « comme il en a eu avec les jeunes de
toutes opinions ». L’avis de la commission sera signifié à l’intéressé
ultérieurement. La réponse de M. Missoffe donne toutefois à penser que l’affaire
n’aura pas de suite. ».
Elle l’est aussi dans le livre de Gabriel Cohn-Bendit, Nous sommes en marche (page 136) :
« Au téléphone, Dany m’avait relaté l’histoire dans
tous les détails, et comme il n’avait pas la moindre envie d’être viré de la
fac, nous nous sommes mis à travailler ensemble à un modèle de lettre. Nous
expliquions que Dany n’avait pas traité le ministre de fasciste, mais qu’il l’avait
accusé d’avoir tenu des propos de type fasciste. A la remarque de Dany sur l’absence
de toute référence à la sexualité dans le rapport ministériel, Missoffe avait répliqué :
« Si vous avez des problèmes [sexuels], plongez dans la piscine.
Une fois la lettre expédiée par l’entremise de l’avocat
gaulliste de gauche Sarda, l’affaire s’arrangea… La propre fille de François
Missoffe, étudiante à Nanterre, avait convaincu son père que cette histoire n’était
pas si grave. […] Plus tard, nous avons appris que cette « travailleuse de
l’ombre » s’appelait Françoise de Panafieu. »
On peut aussi signaler les remarques, plutôt favorables, de Daniel Cohn-Bendit lors
du décès de François Missoffe (voir Libération,
29 août 2003).
Extraits
« Monsieur Marc Cohn-Bendit
2, Square Léon Guillot
Paris 15ème
Paris,
le 6 février 1968
Monsieur le Ministre,
Vous savez que je suis menacé d’expulsion, pour différents
motifs, mais il est évident que la demande est surtout fondée sur les propos
que je vous ai adressés lors de votre visite à la Faculté de Nanterre.
Je crois qu’il y a eu à cette occasion un malentendu et
c’est à vous-même que je tiens à adresser cette lettre.
On vous a sans doute dit rapidement que j’étais un étudiant
allemand – or je réagis à Nanterre comme un étudiant Franco-Allemand.
Mes parents, juifs allemands, se sont réfugiés en France en
1933. Mon frère aîné, né à Paris en 1936, fut naturalisé Français à sa
naissance. Il est aujourd'hui professeur certifié d’allemand au lycée de St
Nazaire.
Je suis né après la guerre à Montauban et je ne sais
pourquoi je n’ai pas été naturalisé.
Mais né en France et de parents apatrides l’armée française
me considère comme français puisqu’elle m’a récemment convoqué pour mon service
militaire – or je suis juridiquement allemand.
En 1951, mon père est retourné en Allemagne de l’Ouest.
Quelques années après ma mère l’a suivi en m’emmenant avec elle. J’ai donc vécu
en France de 1945 à 1958.
Ensuite, après le décès de mes parents, j’ai voulu opter
pour la nationalité française, ce qui était juridiquement impossible, parce que
je n’avais plus de domicile légal en France depuis plus de cinq ans.
Je suis revenu en France en 1965, rejoindre mon frère, seul
membre de ma famille encore survivant. Voilà comment je m’y trouve être un
étudiant « allemand ».
[Il traite ensuite le
problème de sa conversation avec le Ministre de la Jeunesse et des Sports et
conclut : ]
Le malentendu consiste dans le fait que cette réflexion
théorique ait pu être considérée comme une attaque personnelle, voire comme une
insulte à votre égard.
Croyez, Monsieur le Ministre, que je le regrette et je
serais navré si vous le considériez comme tel. Ainsi, si je me devais de lever
le malentendu que ma réplique pouvait avoir à votre égard, je ne pense pas vous
devoir des excuses, n’ayant nullement eu l’intention de vous offenser. Je vous
les adresse pour ma maladresse dans mon expression.
J’ajouterai seulement, et vous le comprendrez, que je serais
consterné, si j’étais expulsé d’un pays où je suis né parce que mes parents y trouvèrent
asile en 1933, après avoir été chassés de leur propre pays. »
Mise à jour :
Révision : 16 septembre 2017
Auteur
: Jacques Richard
Blog :
Territoires
Page : 19. Daniel Cohn-Bendit apatride Annexe 2 (b) La lettre à François Missoffe (février 1968)
Lien
: http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2014/03/19-lettre-missoffe-fevrier-1968.html
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