Quelques
remarques sur le livre de Christophe
Guilluy Le Crépuscule de la France
d’en-haut : exemples caractérisés d’une écriture très relâchée
Classement : géographie de
la France
Ceci
est une suite de la page Le
style de Christophe Guilluy, dans laquelle je présente le livre et son
auteur.
Référence
*Christophe
Guilluy, Le Crépuscule de la France
d’en-haut, Paris, Flammarion, collection « Champs », 2017
Ce
que je pense du livre de Christophe Guilluy (paragraphe repris de la page
précédente)
J’estime
que ce livre est mauvais : il est mal écrit ; mal construit ; certaines
de ses idées sont inadéquates ; la classification sociale est mal établie ;
les démonstrations sont sommaires et discutables ; il y règne un ton de
dénigrement (contre les « bobos ») qui donne l’impression de sortir
un peu sali de la lecture, que l’on se considère ou non comme un de ces
« bourgeois bohèmes ».
Je
traiterai ces différents points (et sans doute d’autres) en plusieurs pages.
Mais je voudrais tout de suite donner quelques exemples particulièrement pitoyables,
qui, à mon avis, indiquent que Christophe Guilluy ne prend même pas la peine de
se relire.
Quelques
exemples particulièrement spectaculaires
Exemple
1 : phrase incohérente
Page
102, ligne 13 : « le modèle participe à l’accentuation des inégalités
sociales et culturelles à l’intérieur des
grandes villes où la ségrégation spatiale ne cesse d’augmenter entre les
métropoles et la France périphérique »
Il
y a ici un recouvrement entre deux concepts : l’opposition quartiers
bobos/banlieues (dans les métropoles) et l’opposition métropoles/périphérie (dans
la France entière).
Tel
quel ça ne veut rien dire. Bien sûr, on répare facilement l’erreur. Mais ce
n’est pas, normalement, au lecteur d’opérer des redressements conceptuels,
c’est à l’auteur de corriger les erreurs avant édition.
Exemple
2 : ter repetita placent
Page
108, ligne 17 : « Cette fragilisation économique et sociale de
nombreux territoires de la France périphérique se développe dans un contexte de raréfaction de l’argent
public particulièrement difficile pour les collectivités. »
Page
112 ligne 9 : « Cette désertification de l’emploi est d’autant plus
préoccupante qu’elle s’accentue dans une
période de raréfaction de l’argent public. »
Visiblement,
il ne se rappelle avoir déjà parlé de la « raréfaction de l’argent
public » quatre pages avant. En effet, s’il se l'était rappelé, il aurait
écrit : « dans cette
période de raréfaction de l’argent public ». La formule apparaît de
nouveau deux pages plus loin :
Page
114, ligne 5 : « Aujourd'hui, et alors que la désertification de
l’emploi privé se poursuit, la France périphérique est confrontée à la raréfaction de l’argent public »
Tout
cela, bien sûr, ne concerne que la forme, pas le contenu. Mais il me semble
qu’un tel style ne fait honneur à personne, surtout pas à ceux dont Christophe
Guilluy déplore à juste titre la situation. Pour le contenu, je vais donner
deux exemples.
Exemple
3 : changement à vue des statistiques
Page
95, ligne 5 : « le taux de chômage d’un ouvrier non qualifié est cinq fois plus important que celui des
cadres, celui des employés, trois fois
plus »
Page
95, ligne 13 « le taux de chômage des ouvriers non qualifiés est près de quatre fois supérieur à celui
des cadres ; celui des ouvriers qualifiés et des employés est double »
Ainsi,
à huit lignes d’intervalle, les rapports ne sont plus les mêmes, alors que rien
n’indique de changement de localisation ou de date de référence !
Exemple 4 : bobos et nounous, le couple maudit
Page 76, ligne 21 : « Quand
un bobo achète les services d’une nounou africaine, cette « exploitation traditionnelle du prolétariat »
sera habillée d’« interculturalité ». Mais si Fatoumata garde les enfants de la petite bourgeoisie, qui
gardera les enfants de Fatoumata ? »
Mais
si, par chance, Fatoumata avait trouvé un travail en usine ou un poste de femme
de ménage pour une collectivité territoriale, le problème ne se poserait-il pas
de la même façon ? Comme il se pose à toute personne (quelle que soit sa
nationalité) ayant des enfants et un travail. La sentimentalité de l’énoncé sur
« Fatoumata », jointe à un zeste de marxisme assez mal placé, masque
une analyse sommaire, dont le seul but est de mettre en accusation ceux que
Christophe Guilluy semble avoir en horreur : les
« bobos » !
J’ajoute
que :
1)
Fatoumata n’a pas forcément d’enfants à faire garder ; peut-être ses enfants
vont-ils à l’école et qu’elle les fait récupérer par une amie ;
2)
Christophe Guilluy dénonce en passant l’hypocrisie des bobos, qui, sous couvert
d’ « interculturalité » ne songent qu’à leurs intérêts
égoïstes ; mais je ne suis pas sûr qu’il n’ait pas inventé cette
« justification » pour les besoins de la cause ; je doute qu’un
« bobo » dirait un truc aussi visiblement bidon (à la rigueur un
journaliste « bobo » qui n’a pas d’enfants à faire garder) ;
3) En ce qui concerne la phrase « exploitation
traditionnelle du prolétariat », elle me semble inappropriée parce
que, du point de vue de Marx, l’exploitation consiste à acheter le travail
(pendant un certain temps) de quelqu'un, de lui faire faire quelque chose, et
de revendre ce quelque chose à un prix tel que si on retire les frais et le
salaire versé au travailleur, il reste un reliquat (la plus-value) ; dans
le cas d’une nounou, on achète le travail de la nounou, mais rien n’est ensuite
revendu !
Christophe
Guilluy dira peut-être que la femme bobo qui (au lieu de faire son devoir de
mère) va travailler pour un salaire de, mettons, 5 000 euros (une
avocate, une architecte), et rémunère une nounou (à temps plein), mettons,
2 000 euros (y compris les charges), gagne 3000 euros dans l'opération : mais la différence représente-t-elle
réellement une « plus-value » de 3 000 euros ! Ce qui est
vendu 5 000 euros, c’est le travail de l’employeuse, pas celui de l’employée.
De
toute façon, le cas des nounous à temps plein est peu fréquent ; d’autre
part, cela ne dure que dans la période où un enfant ne peut pas être scolarisé.
Il arrive d’ailleurs que des femmes bobos préfèrent arrêter de travailler après
leur congé de maternité (congé parental), parfois même des hommes bobos ! Du
reste, les bobos ne sont pas si fans que cela des nounous, ils préfèrent les
crèches ; le recours à des nounous repose en fait sur l’insuffisance
d’équipement public (dont le coût incomberait à la collectivité).
On
voit qu’il y a donc beaucoup d’éléments à prendre en compte avant de parler
d’« exploitation traditionnelle du prolétariat ». Notamment : il
serait nécessaire de s’interroger sur l’existence réelle de « bobos ».
A suivre
A venir
*Analyses thématiques
Création :
13 décembre 2017
Mise à jour :
Révision :
Auteur :
Jacques Richard
Blog :
Territoires
Page :
66. Christophe Guilluy 2 :
quelques exemples
Lien : http://jrichardterritoires.blogspot.fr/2017/12/christophe-guilluy-2-quelques-exemples.html
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