Quelques remarques sur une phrase peu claire à propos de l’antisémitisme polonais et de l’histoire de la Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale
Référence
*« Jésus, roi de Pologne », L’Histoire,
n° 458, avril 2019, page 86
Il
s’agit du compte-rendu d’un article de Timothy Garton Ash, « Jesus Rex
Poloniae » paru dans le numéro 203 du Débat (février 2019).
L’auteur
L’auteur
de l’article de L’Histoire n’est pas
indiqué.
Timothy Garton Ash (né en 1955) est un historien et politologue, depuis 2004 professeur d'études européennes à l'université d'Oxford (lien).
Timothy Garton Ash (né en 1955) est un historien et politologue, depuis 2004 professeur d'études européennes à l'université d'Oxford (lien).
Texte
Après
avoir énuméré quelques reproches à l’encontre de la politique de l’actuel
gouvernement polonais (du parti Droit et Justice*), l’auteur ajoute :
« Et puis il y a l’antisémitisme,
réactivé par la loi sur la mémoire nationale de 2018, qui pénalise toute idée
d’une responsabilité de l’État polonais dans l’Holocauste. ».
Analyse
et commentaires
J’ai adressé
à la revue L’Histoire un courrier que
je paraphrase ci-dessous.
1) En premier lieu : qui peut bien
exprimer l’idée d’une « responsabilité de l’État polonais dans
l’Holocauste », alors qu'à l'époque de l'Holocauste, l’« État
polonais » se réduit à un gouvernement en exil (à partir de septembre 1939,
en France puis à Londres), tandis que le territoire de la Pologne est occupé
par l’Allemagne, qui crée un « Gouvernement général* » totalement
germanique ?
Bien entendu, on peut envisager « la responsabilité
de certains Polonais dans l’Holocauste », voire « les responsabilités
de la nation polonaise dans l’Holocauste », mais certainement pas « la
responsabilité de l’État polonais dans l’Holocauste ».
2) Cette loi est peut-être la conséquence
d’un antisémitisme polonais spécifique, mais il me semble inadéquat de dire
qu’elle le « réactive ».
3) En ce qui concerne cette loi, beaucoup
de choses ont été dites sans que soit apportée la preuve de leur validité. Au
départ, il était indiqué que le gouvernement du PiS dénonçait des formules
telles que « camps d’extermination polonais » pour désigner les camps
d'Auschwitz, Treblinka, Bergen-Belsen, etc. D’un point de vue politique, ce n'est pas le rôle du gouvernement d’un pays de
lutter contre des propos de ce type et d'un point de vue juridique, il n'y a pas lieu de les pénaliser. Mais d’un point de vue strictement
historique et linguistique, il avait raison : il s’agit de camps
d’extermination nazis (voire, avec réserve, allemands) installés sur le
territoire de la Pologne occupée, en aucun cas de « camps polonais ».
L'énoncé cité plus haut est donc assez confusionniste. Il serait utile de savoir exactement
ce que pénalise la loi de 2018, avant d’avancer des « arguments » qui,
dans le cas cité plus haut, ne tiennent pas debout !
A suivre
*Le contenu de la loi polonaise sur la mémoire
A suivre
*Le contenu de la loi polonaise sur la mémoire
Notes
*Droit
et Justice : Prawo i Sprawiedliwość
(PiS)
*Gouvernement général : formulation
abrégée pour Gouvernement général pour les territoires polonais occupés (Generalgouvernement für die
besetzten polnischen Gebiete), créé le 8 octobre 1939, à la tête duquel est placé Hans Frank
(1900-1946) ; le pouvoir est en fait partagé entre le Gouvernement général
et les SS (Frank étant en conflit avec Himmler)
Création : 17 mai 2019
Mise à jour : 18 mai 2019
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Questions d’histoire
Page : QH 54. L'Histoire et l'antisémitisme polonais
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2019/05/lhistoire-et-lantisemitisme-polonais.html
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