Quelques remarques à propos d’un article de Léon Maître sur les voies anciennes en
Loire-Inférieure
Classement : géographie locale ; Loire-Atlantique ; routes
Ceci est un
complément à la page La
route de Nantes à Rennes de l'Antiquité aux Temps modernes et aux pages
consacrées à la création de la ville franche du Gâvre (blog Questions d’histoire),
notamment La
création du Gâvre 2. Situation générale c) routes et chemins.
Présentation
Le problème de la liaison Nantes-Rennes antique et médiévale
Le problème de la liaison Nantes-Rennes antique et médiévale
Il
s’agit de savoir quel était l’itinéraire de la voie reliant à l’époque romaine
les chefs-lieux des Namnètes et des Riédons (Condevincum/Portus Namnetum
et Condate) et à partir de quelle
époque a été établi de façon nette comme itinéraire principal celui qui
correspondait à l’ancienne N137 (que suit ou remplace l’actuelle N137 à 2x2
voies). En effet, il semble qu’à l’époque romaine, il ait existé une voie
notable reliant Nantes à Blain et une autre reliant Blain à Rennes.
Certains
auteurs considèrent que la voie romaine de Nantes à Rennes passait par Blain,
alors que Léon Maître (tout en reconnaissant l’existence des voies passant à
Blain) pense qu’il existait aussi une voie directe Nantes-Rennes.
Une
remarque : il est à noter le cadastre de 1835 (lien page) de la commune du Gâvre
désigne comme « Ancienne route de Nantes à Rennes » la route qui
monte au nord du Gâvre (actuelle « rue du Stade » et son prolongement
dans la campagne, non numéroté) et qui est identifiée à l’ancienne « voie
romaine » ; c’est d’autant plus intéressant que la route de Blain au
Gâvre (qui correspond aussi à l’ancienne voie romaine) est identifiée comme
« route de Blain au Gâvre » !
Référence
*Léon Maître, « La conquête de la Basse-Loire par
le réseau des voies romaines », Bulletin de la Société
Archéologique de Nantes et de la Loire-Inférieure, volume XLIX, 1908, pages
69-99, disponible sur le site Gallica (lien).
L’auteur
Léon Maître
(1840-1926), ancien élève de l’École des Chartes, archiviste-paléographe, est
archiviste à Laval (1865-1869), puis à Nantes (1869-1910). Président de la
Société académique de Nantes (1881). Auteur de nombreux ouvrages d’archéologie
et d’histoire de la Loire-Inférieure, notamment Géographie historique
et descriptive de la Loire-Inférieure (Nantes, Grimaud, 1893), en deux
tomes : « Villes disparues des Namnètes » et « Villes
disparues des Pictons » (c'est-à-dire les villes du département situées au
sud de l’estuaire, territoire qui à l'époque romaine appartenait aux Pictons).
Texte
Je
transcris ci-dessous les passages consacrés à la route de Nantes à Rennes (pages
79 et 80 de l’article), avec des notes, principalement à propos des toponymes
qui apparaissent dans le texte.
Pages 79-80 : la sortie de Nantes par la chaussée de Barbin
« La
route de Rennes sortait de la ville et s’éloignait de l’enceinte par la rue
Monfoulon, la chaussée de Barbin, qui est antique et dont saint Félix s’est
servi pour faire des moulins en la rehaussant, passait près de Loquidic*,
franchissait le Cens près du Port-Lambert* (page 80) et allait rejoindre le
plateau de la route de Rennes actuelle par Launay-Violet* et la Boissière*,
pour éviter la côte rapide du pont du Cens* moderne. Arrivé là*, une
bifurcation se présentait. Une ligne montait vers Cassonµ par Massigné* et le
Saz* (1), où se trouvait une villa romaine, en servant de limites aux communes
de la Chapelle et de Trellières [Treillières]; l’autre courait au sommet de la
vallée du Cens vers le centre de Blain, à travers les landes de Trellières, de
Grandchamp [-des-Fontaines] et de Héric, sans desservir les bourgs actuels.
(1)
Kersabiec, Débris gallo-romains trouvés
au Saz (Bulletin de la Société archéologique, 1865, V, 71). »
Notes
*rue
Monfoulon : rue située sur la rive gauche de l’Erdre (actuellement :
rue Monfoulon et rue du 65ème Régiment d’Infanterie ; la rue
ancienne devait partir de la route d’Angers (actuelle rue du général Buat).
*chaussée
de Barbin : cf. « rue de Barbin », qui est dans le prolongement
de la rue Monfoulon (plan). La
« chaussée de Barbin » était un franchissement de l’Erdre sur une
digue. En 1880, il existait encore une digue et un pont en aval du pont de la
Motte Rouge (lien), achevé en 1885 et d’abord appelé « pont de
Barbin ».
*Loquidic :
cf. le lycée « Saint-Joseph-du-Loquidy » (73 boulevard Michelet)
(plan)
*Port-Lambert :
le toponyme n’existe plus, mais correspond sans doute à celui du « Petit Port »
(nom de l’hippodrome de Nantes, mais se référant à un point de franchissement
du Cens doté d’un équipement portuaire (lien) sans
doute au niveau du Boulevard du Petit Port (plan).
*Launay-Violet :
cf. l’actuel « chemin de Launay-Violette » (plan). A
l’origine, ce nom se réfère au « manoir de Launay Violet » (lien),
devenu « manoir de Launay-Violette » (30, avenue de l’Etrier)
*la
Boissière : quartier de Nantes situé entre l’Erdre et la route de Rennes
(actuelle) (carte)
*pont
du Cens : (carte)
*là :
le raccord devait se faire en haut de la côte du Cens, aux environs de l’actuel
boulevard de la Chauvinière (carte)
*Casson : (carte)
*Massigné :
lieudit de la commune de La Chapelle-sur-Erdre (carte)
*Le
Saz : idem (carte)
Page 80 : la sortie de Nantes par le Marchix
« Les voyageurs qui ne voulaient pas aller par Barbin sortaient de la ville par la rue de la Boucherie*, le Marchix*, la chapelle Saint-Lazare*, la rue Noire*, le Gué-Moreau*, sous le nom de Grand Chemin et pavé, et rejoignait la voie de Barbin au pont du Cens, voisin du Port Lambert*. »
Notes
« Les voyageurs qui ne voulaient pas aller par Barbin sortaient de la ville par la rue de la Boucherie*, le Marchix*, la chapelle Saint-Lazare*, la rue Noire*, le Gué-Moreau*, sous le nom de Grand Chemin et pavé, et rejoignait la voie de Barbin au pont du Cens, voisin du Port Lambert*. »
Notes
*rue de la Boucherie : cette rue est au début de l’ancienne « route de Vannes » (plan)
*Marchix : ancien quartier, cf. « rue du Marchix » (plan)
*rejoignait la voie de Barbin au pont du Cens, voisin du Port Lambert : les lieux cités indiquent en effet une inflexion vers l’est par rapport à la direction de la route de Vannes. L’itinéraire est cependant peu clair entre le Gué-Moreau et le Cens.
Page 80 : la voie par Héric
« Plusieurs chaussées prenaient la direction du Nord, mais le véritable grand chemin de Nantes à Rennes était celui qui prenait le tracé de Héric et traversait presque partout le désert des landes incultes. Il passait l’Isac à Bout-de-bois* et le Don au sud-ouest de Jans, sur le pont de Trenou* ; la Chère au pont de la Kyrielle, en Mouais, et entrait dans le pays des Redones (2). Ce tracé nous est indiqué par la position des châtellenies de Héric et de Nozay, chargées de le garder, et par un texte de 1678 qui nous rapporte que le gibet de Nozay "était sur le chemin qui conduit à Derval, qui est le grand chemin de Nantes à Rennes" (3).).
(2) Celle-ci évitait le bourg de Fougeray qui était desservi par la voie de Blain à Rennes par Conquereuil et Pierric.
« Plusieurs chaussées prenaient la direction du Nord, mais le véritable grand chemin de Nantes à Rennes était celui qui prenait le tracé de Héric et traversait presque partout le désert des landes incultes. Il passait l’Isac à Bout-de-bois* et le Don au sud-ouest de Jans, sur le pont de Trenou* ; la Chère au pont de la Kyrielle, en Mouais, et entrait dans le pays des Redones (2). Ce tracé nous est indiqué par la position des châtellenies de Héric et de Nozay, chargées de le garder, et par un texte de 1678 qui nous rapporte que le gibet de Nozay "était sur le chemin qui conduit à Derval, qui est le grand chemin de Nantes à Rennes" (3).).
(2) Celle-ci évitait le bourg de Fougeray qui était desservi par la voie de Blain à Rennes par Conquereuil et Pierric.
(3) Terrier de la sénéchaussée de Nantes, XX, 860, AD, série B. »
Notes
*Bout-de-Bois : lieudit de la commune d’Héric (carte) ; correspond bien à l’ancienne « route de Rennes ».
*pont de la Kyrielle : « la Kyrielle » est un lieudit de la commune de Mouais (carte) ; la Chère est un affluent de rive gauche de la Vilaine, arrosant Châteaubriant et Derval (confluent à Pierric) ; elle constitue la limite entre Loire-Atlantique et Ille-et-Vilaine à partir d’un point situé environ 500 m en aval du « pont de la Kyrielle » ; il existe un pont au sud de la Kyrielle, un peu à l’est de la route actuelle N137, en impasse.
Page
80 : la voie par Les Touches
« Néanmoins,
le voyageur pouvait suivre un autre parcours plus long par Joué* et Melleray* (page 81). Il avait la route de Carquefou à Petit-Mars qui montait à Joué par
Saint-Jacques-des-Touches*, et court au sommet des coteaux dominant la rive
gauche de la vallée de l’Erdre. »
Notes
*Joué :
« Joué-sur-Erdre »
*Melleray :
« La Meilleraye-de-Bretagne » (où se trouve l’abbaye « Notre-Dame
de Melleray »)
*Saint-Jacques-des-Touches : « Les Touches »
*Saint-Jacques-des-Touches : « Les Touches »
Remarque
A
première vue, cet itinéraire (par Les Touches) paraît dirigé plutôt vers
Châteaubriant que vers Rennes.
Analyse
et commentaires
On constate que Léon Maître donne beaucoup de détails sur la sortie de Nantes
vers Rennes, mais très peu sur la route elle-même ; en fait, il ne donne
pas d’autre élément concret sur le tracé Nantes-Rennes que la phrase
suivante : « Ce tracé nous est indiqué par la position des
châtellenies de Héric et de Nozay, chargées de le garder, et par un texte de
1678 qui nous rapporte que le gibet de Nozay « était sur le chemin qui
conduit à Derval, qui est le grand chemin de Nantes à Rennes (3).). » »,
ce qui est assez vague sur le plan chronologique et ne prouve pas vraiment que
ce tracé était effectif dès le début du XIIIe siècle, ni qu’il y avait une voie
romaine passant aux lieux indiqués (Bout-de-Bois, pont de Trenou, pont de
Kyrielle).
Si
on considère la question de la relation entre cet itinéraire et celui par
Blain, on remarquera que dans ses développements (voir la page Les
routes romaines autour de Blain selon Léon Maître), l’auteur ne donne
aucune indication sur la façon dont la voie de Nantes à Blain (par La
Paquelais) se raccordait aux voies de la ville de Nantes.
Or,
il est tout à fait possible que cette voie ait débouché sur la « route de
Rennes » (au lieudit « Pigeon Blanc »), de sorte que la chaussée
de Barbin pouvait tout aussi bien servir de départ à l’itinéraire vers Blain
(de même que la sortie alternative indiquée par Maître).
Conclusion
Cet
article n’est donc pas convaincant pour la thèse
défendue par l’auteur.
Création : 31 juillet 2019
Mise à jour :
Révision :
Auteur : Jacques Richard
Blog : Territoires
Page : 78. La route ancienne de Nantes à Rennes selon Léon Maître
Lien : https://jrichardterritoires.blogspot.com/2019/07/la-route-ancienne-de-nantes-rennes.html
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